Une des choses que j’apprécie le plus en voyage, ce n’est pas tant de visiter les lieux touristiques que de prendre ses habitudes dans une ville étrangère. Pendant ces cinq jours, j’avais mon quartier (Cannaregio), mon arrêt de vaporetto (Ferrovia), ma rue commerçante un peu plus loin (Strada Nova), mon quai où j’ai découvert trop tard un café où lire au bord de l’eau. Au bout de ce canal, un quai donnant sur la lagune et sur la route qui mène de Mestre à Venise, éclairée en pleine nuit. L’arrivée par cette route m’a furieusement rappelé le pont qui traverse le lac Pontchartrain à l’entrée de La Nouvelle-Orléans. Entre deux villes colorées bâties au bord de l’eau, la ressemblance est forte.
J’avais aussi mes commerces, notamment cette boutique de masques où je suis entrée le premier jour, attirée par la vitrine. À Venise, on fait très vite une indigestion de masques, de dorures, de paillettes et de verre de Murano. Mais cette vitrine-là m’avait frappée par la sobriété de certains modèles. J’y suis revenue plus tard acheter un masque en cuir représentant une feuille morte. Mais le modèle qui m’a le plus marquée, même si je ne me voyais pas l’acheter, était une splendide Méduse stylisée : un visage entouré de longs serpents de cuir vert. Peut-être le masque le plus original que j’aie vu dans tout Venise, et j’en ai vu beaucoup. Y compris le fameux masque de Guy Fawkes popularisé par V pour Vendetta et le collectif Anonymous, et qui s’invitait dans de nombreuses vitrines.
Dans la même rue, pour m’abriter d’une averse le premier jour, je suis entrée dans une librairie qui possédait un rayon de fantasy et de bit-lit. Au milieu des traductions italiennes de Twilight et autres Trône de fer, j’ai bien ri en tombant sur Capture de Kelley Armstrong, que j’ai traduit il y a quelques années et qui est publié en Italie par les éditions Fazi. Il doit y avoir un signe, reste à savoir lequel.
C’est à Cannaregio que j’ai pris le plus de photos nocturnes, toujours le même quai vers lequel je revenais sans cesse. Je suis revenue y contempler la route de Mestre le dernier soir, adossée au mur de l’université déserte. Et mon regard sur les lieux n’était déjà plus le même.