Pour une fois, je suis plus d’humeur à poster des photos qu’à rédiger un long compte-rendu (même si, me connaissant, je vais sans doute me laisser entraîner une fois lancée). Il faut dire que cette année, aux Utopiales de Nantes, j’étais moins dans l’ambiance que d’habitude et j’avais du mal à discuter avec les gens. Si j’ai donné l’impression de snober certaines personnes à l’occasion, je m’en excuse, mais j’avoue que j’étais franchement à côté de mes pompes à certains moments. Un collègue charitable qui se reconnaîtra m’a dit avoir effacé la plupart des photos qu’il a prises de moi le premier soir au motif que j’y étais quelque peu cadavérique. Je veux bien le croire.
Il y a eu tout de même de très chouettes moments, comme toujours. Pour ceux qui ne connaissent pas les Utopiales, je précise que c’est un salon où je vais moins pour rencontrer des lecteurs – ce festival s’y prête beaucoup moins que les Imaginales d’Epinal par exemple – que pour retrouver des collègues et amis, français ou étrangers. C’est un festival que j’ai toujours trouvé très convivial de ce point de vue : j’ai toujours passé plus de temps à bavarder autour d’un verre qu’à suivre les conférences. C’est aussi un endroit où je commence à mesurer le passage du temps. J’y allais cette fois pour la neuvième fois – depuis 2000, je n’ai manqué aucune édition. C’est là-bas que j’ai compris pour la première fois l’an dernier que le milieu de l’imaginaire avait changé depuis que j’y suis entrée. Des gens sont arrivés, d’autres ont disparu de la circulation, des habitudes se sont installées puis ont disparu. Du coup, c’est un endroit qui a tendance à me rendre nostalgique (le fait que novembre soit aussi le mois de mon anniversaire, période propice aux bilans, y est sans doute pour quelque chose). Un détail tout bête m’a déboussolée ces deux dernières années : le soir, l’ambiance des Utopiales est différente de ce que je me rappelle des éditions précédentes. Avant, tout le monde dînait au restaurant de la Cité des Congrès, poursuivait la soirée au bar et ça se finissait souvent en room parties improvisées au Novotel tout proche. Du coup, les groupes se croisaient et se mélangeaient pas mal, ce qui donnait souvent lieu à de chouettes rencontres imprévues. J’ai l’impression que ça se divise beaucoup plus en petits groupes désormais, chacun partant dans son coin à l’heure du repas sans forcément recroiser les autres ensuite. Ça me manque un peu, ça faisait partie de ce que j’aimais le plus aux Utopiales. Je ne sais pas si c’est lié à ça, ou au fait que je connaisse forcément de plus en plus de gens sur place, mais j’ai l’impression d’avoir passé mon temps à croiser des collègues et amis sans jamais avoir le temps de discuter. Cela dit, comme je l’expliquais plus haut, je n’étais pas hyper réceptive de toute façon.
Les chouettes moments des Utopiales, donc… Je crois qu’un des plus jolis souvenirs est une discussion totalement inattendue avec Delia Sherman, que j’avais croisée à la dédicace d’Ellen Kushner chez Scylla et sur qui je suis retombée alors qu’on traînait du côté du stand ActuSF. On a parlé de tout et de rien, des États-Unis et de la Louisiane en particulier (on ne se refait pas), de l’ambiance des conventions – Delia était visiblement ravie d’être là, mais un peu déboussolée par le fait de parler tour à tour anglais et français et de rencontrer tant de nouvelles personnes en si peu de temps. Je regrette de ne pas avoir eu plus de temps pour discuter avec elle et avec Ellen Kushner, que j’ai ensuite recroisée en dédicace, mais je les ai trouvées aussi adorables et chaleureuses l’une que l’autre.
Autre rencontre brève mais amusante : l’énergumène hilare et filiforme, doté d’un accent écossais à couper au couteau, connu sous le nom de Hal Duncan. Je me rappelais l’avoir croisé en 2005 à la convention mondiale de Glasgow, en compagnie notamment de mon amie Florence Dolisi qui allait devenir la traductrice de son roman Vélum. Et devinez de quoi on a parlé ? Du concert d’Amanda Palmer qu’il avait vu récemment à Glasgow et qui l’avait beaucoup impressionné lui aussi. Il était très intrigué par un des numéros du concert et me demandait si on y avait également assisté : un des membres du Danger Ensemble se faisant couper les cheveux pendant une reprise du Hallelujah de Leonard Cohen. Il faut dire que je portais le même T-shirt que sur ce dernier « autoportrait en chambre d’hôtel » de l’année, d’où notre sujet de conversation.
Je garderai aussi un bon souvenir de la plus longue interview que j’ai accordée à ce jour : deux séances de deux heures chacune avec Richard Comballot, qui interviewait pas mal de collègues sur place (Jérôme Noirez passait juste après moi). J’adore les interviews longues et fouillées qu’il publie dans Bifrost, donc quand il m’a contactée pour m’en proposer une, j’ai accepté tout de suite. Le temps est passé très vite, d’autant que le personnage est vraiment sympathique et sait tout de suite vous mettre à l’aise. L’interview ne paraîtra pas avant un bon moment, mais ce sera sans doute courant 2009.
Et puis dans la série des traditions loufoques qui constituent parfois le festival off… Si vous traîniez aux Utopiales l’an dernier, peut-être avez-vous entendu des gens se saluer par l’expression énigmatique « Bras, coudes, genoux ». Laquelle est apparue dans au moins deux livres publiés cette année par des collègues qui fréquentent le festival, et je ne serais pas surprise qu’il y en ait d’autres. Elle provenait d’une nouvelle roumaine, parue dans une anthologie préfacée par Jeff Vandermeer, qui faisait l’objet d’une traduction que l’on ne peut guère qualifier que d’improbable. À feuilleter, c’était déjà un grand moment de comique involontaire ; lu par notre camarade Sylvie Miller avec l’accent roumain, c’est devenu carrément épique. Un de mes passages préférés, qui me fait toujours autant marrer, donne quelque chose comme : « Il y a Alanis Morissette sur MTV, je vais aller me réjouir. Ça y est, je me suis réjoui. » Non, ça n’a pas plus de sens replacé dans son contexte. Cette année, l’ami Christophe Duchet ayant trouvé un bouquin encore plus improbable, un livre d’histoire tchèque qui recense des faits n’ayant strictement rien à voir les uns avec les autres, Sylvie a donné une deuxième lecture (avec l’accent) en fin de soirée dans le bar des Utopiales, sous les yeux d’un public que vous voyez ici médusé (Stéphane Manfredo), attentif (Xavier Dollo) et hilare (Carina Rozenfeld). Pour ceux qui avaient manqué l’épisode précédent, il y a eu une nouvelle lecture de la nouvelle roumaine le lendemain. Il va falloir frapper très fort pour trouver un texte qui soit à la hauteur l’an prochain.
Quelques photos en vrac… À force de traîner dans les parages de Daylon, RMD et Jérôme Lavadou, ça donne forcément envie de mitrailler. Même si je ne peux pas m’empêcher de jalouser le rendu de leurs photos prises au reflex – j’adore mon G9, mais très clairement, ça n’a rien à voir.
Ellen Kushner en dédicace.
John Lang alias Pen of Chaos du Donjon de Naheulbeuk.
Qui a donc conseillé des bières locales à Hal Duncan ?
Ça le fait bien marrer en tout cas.
Le matin au bar du Novotel, Alastair Reynolds et Richard Morgan font les geeks.
Isabelle Troin, collègue traductrice que je connais principalement par forum et blog interposés et que j’ai croisée trop brièvement.
Joëlle Wintrebert et ses lunettes qui brillent dans le noir.
Quelques grammes de finesse dans un monde de brutes : fin de soirée difficile pour Catherine Dufour et Jérôme Noirez.
And now for something completely different… Enfin pas tant que ça. Je ne sais plus si j’ai déjà parlé ici de mes deux dernières parutions, donc je les mentionne au cas où. D’abord un texte très court dans le livre-anniversaire de la revue Khimaira, Les enfants de la chimère. La nouvelle s’intitule « Chanson pour la chimère » et reprend certains éléments de « Serpentine » (l’un des personnages est le tatoueur Zacharie). L’autre texte paraît dans le premier numéro d’une revue dont je viens tout juste de recevoir mes exemplaires, Et donc, à la fin… Je ne peux pas vous parler en détail du contenu, n’ayant eu que le temps de la feuilleter. Elle parle de littérature fantastique, de la peur en particulier, et contient entre autres des articles signés par Guy Astic et Jean Marigny. La nouvelle que j’y publie, « Le jardin des silences », est sans doute ma préférée parmi celles que j’ai écrites cette année. J’ai eu du mal avec certains aspects, du coup la rédaction s’est étalée sur trois semaines plutôt que sur quelques jours, mais je crois que je suis contente du résultat. Pour ceux que la revue intéresserait, vous pouvez vous renseigner ici pour vous la procurer. Coïncidence (ou pas), le texte est né en grande partie d’une chanson des Kills, Rodeo Town – les Kills que j’ai presque vus en concert la semaine dernière au Bataclan. « Presque » parce que je suis arrivée trop tard, que j’étais au deuxième rang derrière un jeune homme très grand, parce que le public hystérique avait visiblement envie de se défouler et a commencé à pogoter avant le début du set. Difficile d’apprécier un concert quand on mesure 1m57 et qu’on se retrouve écrabouillée contre le premier rang au point qu’on peut à peine bouger les bras. De temps en temps, quand ça ne bousculait pas trop, j’apercevais Jamie Hince et Alison Mosshart entre deux têtes. Ils avaient l’air très en forme, très complices, et Alison était plus tigresse que jamais – j’ai pu l’observer plus calmement quand le public s’est un peu assagi pendant No wow. Beaucoup de gens s’accordaient à dire que le concert était génial. Je regrette d’autant plus de n’en avoir presque rien vu. D’autant que c’est la première fois que j’ai entendais en live Cat claw que j’adore – même si je l’avais voulu, je n’aurais pas pu faire des bonds partout tellement ça se bousculait. Je crois que j’ai un mauvais karma avec les Kills. Je ne me sens pas très à l’aise au milieu de leur public, peut-être parce que j’ai dix ans de plus que la moyenne d’âge de leurs fans. Je suis ravie d’avoir vu cette année au moins un concert d’eux qui était exceptionnel, la Black Session à la Maison de la radio. Ça rattrape les plans foireux comme celui-là.
C’est tout pour ce soir – et comme je m’y attendais, je me suis laissée entraînée à rédiger un longue entrée. Je posterai peut-être d’autres photos des Utopiales plus tard.