Blog : catégorie Films

“Riddle of Fire”, foncez si vous pouvez !

J’aurais vraiment aimé vous recommander ce premier film de Weston Razooli, mais il passe dans si peu de salles que vos chances de le voir sont très minces, et c’est honteux d’enterrer dès sa sortie un film aussi réjouissant et original. Une sorte d’histoire de gosses pour adultes, un genre de Goonies chez les rednecks en mille fois plus barré, où un trio infernal de sales gosses fantasme le réel comme un jeu de rôle ou jeu vidéo et s’embarque dans une quête invraisemblable pour gagner le droit de jouer à la console. Le ton est très particulier, le casting génial, les personnages ont des gueules et du caractère, c’est très drôle et inventif. Si l’occasion de le voir se présente, maintenant ou plus tard, foncez. 

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“Edward aux mains d’argent”, métaphore poétique de l’autisme

J’ai lu à plusieurs reprises l’anecdote selon laquelle Helena Bonham Carter, en faisant des recherches sur le sujet de l’autisme pour un rôle, s’était aperçue que Tim Burton semblait posséder un grand nombre de traits autistiques. S’il n’a jamais été diagnostiqué officiellement pour autant qu’on le sache, l’hypothèse éclaire certains de ses films sous un angle très intéressant, et l’un d’entre eux en particulier : Edward aux mains d’argent, revu ce soir pour la première fois à la lumière de ces éléments.

S’il est quasiment certain que Tim Burton, en 1990, n’a pas pensé consciemment à l’autisme en créant son personnage, le film en offre pourtant une métaphore saisissante, qui saute à la figure pratiquement à chaque plan quand on connaît un peu le sujet. Tout y est, dans la moindre mimique d’Edward, dans sa gestuelle embarrassée, dans son air de chercher constamment à déchiffrer le monde qui l’entoure, dans les petits mouvements incontrôlés de ses ciseaux rappelant des stéréotypies, dans sa solitude d’être différent, dans ses silences et sa voix timide et monocorde, dans son incompréhension des codes de la conversation, des doubles sens, de l’ambiguïté sexuelle. “Arrête d’être aussi littéral”, lui dit-on même dans l’une des scènes. Le film raconte l’histoire d’un personnage qui cherche à s’intégrer dans un monde qui ne lui ressemble pas, qui cherche à en comprendre toute la complexité, qui ne demande qu’à bien faire mais qu’on rejette au premier incident, qu’on accueille avec de grands sourires pour mieux le chasser ensuite. Un personnage capable d’une incroyable finesse dans les domaines qu’il maîtrise le mieux, mais totalement inadapté au quotidien de son nouvel environnement.

La petite ville où Edward tente de mener cette nouvelle vie ressemble d’ailleurs à un cauchemar de normalité vu par quelqu’un qui ne s’y reconnaît pas. Les teintes pastel des maisons sont écœurantes, tellement fades à côté des splendeurs du manoir gothique de l’inventeur, les sourires sont factices, les conversations sont creuses, les gens disent constamment des choses qu’ils ne pensent pas (ce point en particulier m’a semblé rendu avec une grande justesse : le désarroi d’Edward face au mensonge social, tellement contraire à son fonctionnement). La jolie petite ville et ses jolies petites vies rangées transmettent un malaise diffus, là où le manoir aux couleurs sombres paraît si accueillant et fascinant.

Le film n’est pas simplement un conte tragique et terriblement émouvant, qui saisit encore à la gorge après de multiples visions (j’avais presque oublié à quel point Johnny Depp était bouleversant dans ce rôle) ; c’est aussi, pour stylisée et sans doute inconsciente qu’elle soit, la métaphore de l’autisme la plus poétique que je connaisse, et l’une des plus fines.

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Der Samurai

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En avril dernier, je participais au festival Mauvais Genre en tant que membre du jury où je faisais la connaissance du cinéaste allemand Till Kleinert, dont le film Der Samurai avait remporté le grand prix lors de l’édition 2014. Pour avoir beaucoup discuté de films ou de jeux vidéo avec Till, dont le point de vue sur les films en compétition rejoignait souvent le mien, j’étais très curieuse de découvrir son univers et son travail. Ce fut chose faite dès mon retour du festival où je m’empressai de regarder Der Samurai, encore inédit en France hors festivals, via un lien que Till m’avait gentiment fourni.

C’est toujours un grand plaisir, quand on a sympathisé avec quelqu’un, de découvrir non seulement qu’on n’est pas déçu par son univers, mais qu’on est même sincèrement impressionné. Der Samurai est l’un de ces films étranges qui cherchent à suivre des pulsion narratives, des envies esthétiques, des associations d’idées, plutôt que de se conformer à des codes. Selon sa sensibilité, on se fera happer totalement ou bien on restera au bord de la route. Pour ma part, j’ai trouvé le film fascinant par sa narration minimaliste, son jeu sur les sous-entendus et les symboles (Till Kleinert revendique en interview l’influence des frères Grimm), ainsi que par la présence troublante, quasi charnelle, du personnage incarné par un Pit Bukowski aux mines hallucinées : le samouraï androgyne du titre, double tordu du héros ou incarnation de ses désirs enfouis, de sa violence reniée.

Trois mois plus tard, il m’en reste des souvenirs flottants et tenaces à la fois, des images fortes et une ambiance hypnotique qu’il me tarde de retrouver sur grand écran. Der Samurai sort ce mercredi en France. Je vous renvoie à cette critique qui vous en parlera mieux que moi et vous laisse en découvrir la bande-annonce.

 

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Bon chic mauvais genre

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Quand on participe régulièrement à des festivals, salons ou autres rencontres, il se produit de temps en temps quelque chose de très fort, au-delà de la seule qualité de l’accueil et de l’organisation. Quelque chose qui tient plutôt de l’alchimie : les bonnes personnes qui se croisent au bon endroit au bon moment pour créer de beaux souvenirs qui ne vous quitteront plus.

L’édition 2015 de Mauvais Genres, à Tours, était de ces événements-là. En partie par sa durée, peut-être ; en six jours, on a le temps d’apprendre à connaître un peu ceux qui deviennent, l’espace du séjour, comme une petite famille. Il s’en passe des choses, en six jours. Des rencontres, des découvertes, des sourires, des attentions et des fous rires, des conversations au petit déjeuner, des échanges d’impressions au terme des projections, des problèmes techniques réglés dans la bonne humeur, des private jokes qui vous tiennent plusieurs jours. Une équipe aux petits soins avec tous les participants, une chambre d’hôtel terriblement classieuse, Il était une fois en Amérique redécouvert sur grand écran en ouverture, des séances photo plus ou moins sérieuses et plutôt moins que plus, des dédicaces et de la pêche aux DVD dans l’enceinte du Village Mauvais Genre, des dialogues en espagnol improvisés par un des jurés pour pallier les problèmes de son, une conversation sur les titres français et allemand des Dents de la mer qu’on retrouvera quasiment telle quelle dans un film en compétition. À l’heure des repas, tous se rencontrent et se mélangent, discutent à la même table où se côtoient organisateurs, cinéastes invités, bénévoles ou jurés, sans étiquettes ni barrières, en toute convivialité. La cuisine est délicieuse et, cerise sur le gâteau, généreuse en options végétariennes.

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Et bien sûr il y a les films eux-mêmes : une sélection riche et variée, des coups de cœur, des discussions, des désaccords. Pendant ce temps, au sein du jury, on sympathise, on apprend à se connaître, on découvre nos différentes approches et nos différents regards : celui des comédiens (Francis Renaud et Aurélia Poirier), du réalisateur (Till Kleinert), de la journaliste (Christine Masson) et de la scribouillarde qui vous parle. On s’amuse parfois à anticiper ce que les autres auront pensé de tel ou tel film. On craint une délibération houleuse au vu de certaines divergences pour s’étonner finalement de tomber si vite d’accord. Der Bunker, comédie allemande absurde, grinçante et jubilatoire de Nikias Chryssos, s’impose comme notre prix du jury. Une mention spéciale sera accordée à The Returned du cinéaste argentin Iván Noel, drame hypnotique et violent à la lisière du fantastique, qui fascine autant qu’il dérange, qui divise et heurte parfois, mais qui ne vous lâche plus ensuite. Pour les courts-métrages, seront primés deux films aux antipodes l’un de l’autre, The Stomach de Ben Steiner côté fiction, Les Pécheresses de Gerlando Infuso côté animation, le premier aussi barré que le second est visuellement splendide.

La cérémonie de clôture semble passer en un clin d’œil, liaisons Skype comprises avec les cinéastes primés, mais l’euphorie s’attarde. On se retrouve tous lors d’un after à l’hôtel qui se transforme en salon de tatouage improvisé (en témoigne l’ours au marqueur qui me décore encore l’avant-bras, clin d’œil au premier film de la compétition). On y trinque, on y fait les andouilles, on regarde les autres danser, on traîne encore un peu pour retarder le moment de dire au revoir à tous ces visages qu’on s’apprête à quitter. Une fois rentré chez soi, on garde contact, on échange encore un peu pour prolonger le moment. Et on rédige quelques lignes maladroites pour écrire noir sur blanc toute la gratitude qu’on porte à nos compagnons de ces quelques jours.

Merci encore à chacun d’entre vous qui étiez là. Je ne citerai pas de noms par peur d’en oublier, mais vous saurez vous reconnaître. C’était un vrai bonheur de partager ces six jours-là avec vous tous.

(Photos de Magali Sabio. Vous en découvrirez beaucoup d’autres sur sa page Facebook)

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Retrouver le temps

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La vie est ainsi faite : les périodes les plus riches en événements ou déplacements à raconter sont aussi celles où l’on a le moins de temps et d’énergie pour le faire. Surtout quand elles succèdent à une période un peu chaotique qui vous a sérieusement déchargé les batteries.

Voici venu le temps de la pause de traduction que j’espérais depuis l’automne dernier – et qui commença, à peu de choses près, par la vision d’un corbeau dans les rues de mon quartier comme un présage personnel, me rappelant par là même que le volatile qui vit sous ma peau aura bientôt un an. Quelques semaines pour retrouver un peu le temps d’exister et de profiter des choses, qui m’avait manqué ces derniers mois. Vacances tout de même entrecoupées de deux festivals : Nice Fiction (17-19 avril) dont j’ai déjà parlé ici, mais aussi Mauvais Genres, à Tours, auquel je participerai du 1er au 7 avril inclus en tant que membre du jury. Six mois après Court Métrange, ma casquette de jurée n’a même pas eu le temps de prendre la poussière. Je ne pars pas sans rations de survie, comme vous pouvez le constater sur la photo ci-dessus ; l’oncle Steve et mes albums du moment m’accompagneront dans mon périple.

Le programme détaillé du festival est disponible sur le site officiel. Outre les projections, je note quelques conférences intéressantes, notamment le samedi autour du jeu vidéo Life is Strange que je viens justement de commencer et qui se démarque, comme on l’a lu ici ou là, par son ambiance plus proche d’un certain cinéma intimiste américain que des univers vidéo-ludiques classiques.

Je serai également en dédicace dimanche et lundi à des horaires encore à préciser, qui dépendront notamment des projections. Les détails devraient être annoncés sur la page Facebook du Village Mauvais Genres. J’en profite pour signaler que mon recueil Le jardin des silences, qui a connu quelques problèmes de disponibilité récemment, a été réimprimé et doit normalement être de nouveau trouvable via les voies habituelles.

Aux dernières nouvelles, ce blog ne devrait plus tarder à migrer vers sa future adresse, car le travail sur mon nouveau site touche à sa fin. D’ici là, rendez-vous à Tours pour profiter de cet excellent festival bon chic mauvais genre.

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