Blog : catégorie Films - page 3

Tomboy

 

 

 

Je ne sais plus à quand remonte ma dernière incursion au cinéma, mais je me rappelle qu’une bande-annonce m’avait marquée. Une famille s’installe dans un nouveau quartier ; l’un des enfants fait connaissance avec ses voisins et se présente sous le nom de Michaël. Mais dans l’extrait suivant, on entend sa mère l’appeler Laure. Jusque là, on n’a pas mis en doute un seul instant le fait que « Michaël » soit un petit garçon. Tout le film est déjà là, dans cet enchaînement de quelques secondes. Tomboy de Céline Sciamma est un film un peu longuet dans sa première partie, qui installe les personnages à travers une suite de scènes de vie ordinaire. Les rapports entre les enfants, la complicité qui unit Laure à sa petite sœur Jeanne, les jeux de la bande de gamins sonnent juste tout du long. Ils ont un langage à eux, une logique particulière, qui ne sont pas ceux des adultes, ce que le film montre très bien.

 

Mais ces scènes ordinaires ne le sont pas tant que ça, et c’est là que Tomboy est troublant. On vit toute cette histoire du point de vue de Laure/Michaël, dont le mensonge peut être découvert à chaque instant. Les garçons acceptent sans trop de mal ce nouveau copain de jeux, et Lisa, la seule fille de son âge, s’attache très vite à ce garçon qu’elle trouve « pas comme les autres ». Plus le mensonge s’éternise, plus on sait que la chute sera rude – les vingt dernières minutes, d’une cruauté dépouillée, sont extrêmement poignantes. Elles le sont d’autant plus qu’on accepte finalement dès le départ l’existence de Michaël comme son identité véritable. C’est Laure qui ressemble à un masque. Zoé Héran, qui incarne le personnage, est stupéfiante. On ne sait jamais trop si l’on voit à l’écran une petite fille habillée en garçon, ou un petit garçon aux traits un peu féminins.

 

Le film ne plaira certainement pas à tout le monde, ne serait-ce que par ce parti pris de s’attarder sur le quotidien dans la première partie sans développer d’intrigue autre que ce qui découle de ce jeu de masques. Mais il y a dans la plupart des scènes une très belle façon de filmer les êtres de près, de s’attarder sur les corps et les visages. Et le personnage de Laure/Michaël est poignant dans sa quête d’identité. Au point qu’il continue d’exister, et de nous hanter, après la fin du film.

 

 

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Who watches the Watchmen ?

Je ne peux même pas vous dire à quel point je suis soulagée par l’adaptation des Watchmen. Je ne sais pas comment le film sera reçu par les non-lecteurs de la BD, mais en tant que fan, à quelques réserves près, c’est un régal. Je sais que j’ai la larme facile au cinéma, mais j’étais carrément en larmes pendant toute la scène de l’accident qui crée le Dr Manhattan, tellement c’était exactement ça. Jusqu’à l’image de ce « système nerveux sur pattes » qui traverse le laboratoire et qui m’avait pas mal marquée à la lecture. Ben oui, les Watchmen, c’est sacré. J’espérais que le film serait réussi mais je ne m’attendais pas à une telle bouffée d’émotion en le voyant. Dommage que ça se casse un peu la gueule sur la fin.

Pour la peine, je fais un copier/coller du compte-rendu que je viens de rédiger pour le Cargo, en espérant qu’il tienne la route, vu qu’il est écrit à chaud à 2h du mat. Détail que j’ai oublié de préciser : j’ai trouvé les choix musicaux (Bob Dylan, Leonard Cohen, Simon & Garfunkel) assez pertinents par rapport au sens qu’ils prenaient dans le contexte de certaines scènes. 

Le compte-rendu, donc :

 

On l’espérait sans trop y croire, et pourtant : Zach Snyder se tire haut la main de l’adaptation la plus casse-gueule, la plus attendue et la plus redoutée de ces dernières années, celle de ce monument de la BD que sont les Watchmen d’Alan Moore et Dave Gibbons. Un comics réputé inadaptable de par son ampleur et sa complexité. Une de ces œuvres qui laissent leur empreinte sur le genre et marquent durablement le lecteur.

 

 

Si l’intrigue délaisse certains développements et apartés qui faisaient la richesse de l’original, elle est d’une fidélité exemplaire. Le film s’attache à une poignée d’anciens « vengeurs masqués » dont la promulgation de la loi Keene a rendu les activités illégales. Certains se sont rangés, comme le Hibou, quadra binoclard ordinaire, ou Laurie, qui ne jouait à ces jeux dangereux que pour suivre les traces de sa mère Sally Jupiter, elle-même ancienne héroïne masquée. D’autres poursuivent leurs activités clandestinement, comme Rorschach, tueur psychopathe d’une effrayante lucidité. En enquêtant sur la mort de son ancien collègue le Comédien, Rorschach soupçonne l’existence d’un « tueur de masques » qui tenterait d’éliminer les anciens vengeurs masqués. Il comprend bientôt que la vérité est bien plus complexe… et bien plus effroyable.

 

L’histoire importe finalement assez peu ici, bien qu’elle soit passionnante en soi. Ce qui a rendu mythique le comics d’origine, ce sont d’une part le traitement extrêmement réaliste du thème du super-héros, appuyé par des extraits du livre de souvenirs écrit par le premier Hibou, la richesse de la construction et de la mise en scène, mais aussi l’ambiance désespérée que le film reproduit à merveille. Le contexte dans lequel s’enracine cette œuvre, parue dans les années 80, c’est celui du désenchantement, des idéaux perdus, de la mort du rêve américain. L’ombre du Vietnam, de Nixon et de la menace nucléaire y planent constamment. « Qu’est devenu le rêve américain ? » demande le Hibou en toute candeur. « Il s’est réalisé », lui lance le Comédien, cynique. Tout est dans cet échange. Les Minutemen, puis leurs successeurs les Watchmen, ont cru pouvoir changer le monde, et leurs idéaux leur ont explosé en pleine figure. Certains ont baissé les bras, d’autres ont poursuivi le combat avec des méthodes parfois douteuses. Alan Moore ne donne raison à aucun d’entre eux, mais soulève à travers leurs agissements des questions dérangeantes. « Who watches the Watchmen ? » demande un graffiti qui apparaît sur les murs tout au long de la BD, entrevu plusieurs fois dans le film – toute la problématique de l’œuvre est là. Où sont les limites lorsqu’on prétend agir pour une noble cause ?

 

 

Ce qui frappe dès les premières scènes du film, c’est un mimétisme visuel et sensoriel hallucinant. On a l’impression, littéralement, de plonger à l’intérieur des pages. Il transparaît de chaque image un profond respect et un véritable amour de l’œuvre originale. Certains plans paraissent même copiés à l’image près, sans que le résultat soit scolaire pour autant : il y a un souffle, une ambiance, une émotion, même le rythme reproduit celui de la BD. Il y a bien sûr des coupes, mais l’intrigue tient parfaitement la route ainsi, à quelques réserves près (nous y reviendrons). Le film est parsemé de clins d’œil à des éléments qui ont dû être supprimés, comme l’image quasi subliminale de cet adolescent qui lit des BD de pirates près d’un kiosque à journaux. Ou encore la citation furtive du poème de Shelley, Ozymandias. Le problème étant qu’on a parfois l’impression de voir un film fait par des fans pour les fans. Du coup, ceux-ci seront aux anges, mais le spectateur lambda risque d’être parfois perdu, là où le lecteur comblera spontanément les blancs de l’intrigue (l’absence d’explications sur la loi Keene par exemple).

 

 

À une erreur de casting près – Matthew Goode n’a pas la carrure nécessaire pour interpréter Ozymandias – les personnages ont à l’écran toute la présence qu’on pouvait espérer. Jackie Earle Haley est un Rorschach jubilatoire, véritable héros de l’histoire alors qu’il est aussi le plus fou et le plus dangereux. Le Comédien (Jeffrey Dean Morgan) est parfait de cynisme. Le couple formé par Laurie (Malin Akerman) et le Hibou (Patrick Wilson) est touchant par sa banalité même, incarnation de la naïveté la plus extrême ou lueur d’humanité dans un monde en déliquescence, selon le point de vue adopté. Billy Crudup est un Dr Manhattan effrayant et émouvant à la fois, monstre créé par accident, symbole patriotique malgré lui, quasi divinité qui observe une humanité qu’elle comprend de moins en moins. La scène de l’accident, justement, est l’une des plus intenses et des plus poignantes du film – sans qu’on sache vraiment si c’est un prodige de la mise en scène ou si le film joue sur nos souvenirs de lecture.

 

 

Seul gros reproche : une entorse assez conséquente au scénario, vers la fin, qui fait retomber le film comme un soufflé. C’était pourtant l’un des passages les plus attendus. Comme si Zack Snyder, d’un seul coup, hésitait à se colleter avec la scène la plus choquante, la plus spectaculaire, la plus inoubliable de l’original, celle qu’on avait reçue comme un coup de poing dans l’estomac. La solution adoptée tient la route en soi, mais elle perd en impact sur le spectateur – et sur les personnages. La dernière partie, du coup, retombe à plat. Dommage, car c’était quasiment un sans faute jusque là. Sans doute qu’on ne peut plus lire (et adapter) les Watchmen de la même façon depuis le 11 septembre. En l’état, Zack Snyder a déjà réalisé un bel exploit. L’impression d’immersion ressentie dès les premières images, surtout pour le fan de l’œuvre d’origine, fait de ces Watchmen une expérience à part. L’une des plus belles adaptations qu’on ait vues depuis longtemps.

 

 

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La dernière séance, et l’avant-dernière aussi

 

L’un des (nombreux) avantages que présente mon quartier, c’est la proximité de Bastille et de ses trois cinémas. J’avais des envies de ciné, The Dark Knight ne sort que mercredi, je n’arrivais pas à trancher entre deux films et j’ai donc décidé sur un coup de tête de m’accorder une double séance, ce que je n’avais pas fait depuis une éternité. Ça m’a rappelé l’époque où je squattais les Arcades de Dunkerque dès 11h du matin pendant la Fête du cinéma (il faut savoir qu’entre 16 et 20 ans, j’étais très geek, j’avais très peu d’amis et je m’emmerdais beaucoup à Dunkerque).

Meilleur film de la soirée, haut la main, la séance de 20h alias Bons baisers de Bruges dont Fabrice Colin disait récemment beaucoup de bien sur son blog. J’ai tendance à aller voir la plupart des films dans lesquels joue Ralph Fiennes, même dans des seconds rôles, et j’étais curieuse de voir ce que pouvait donner un film noir se déroulant à Bruges dont je connais surtout l’aspect touristique. Ça m’éclatait encore plus de le voir une semaine après un passage à Gand, qui lui ressemble beaucoup. Le film est une très chouette surprise. On y suit un duo de tueurs britanniques dont l’un a commis une énorme boulette et qu’on envoie se planquer en Belgique. Ils font du tourisme, des rencontres, attendent les instructions de leur patron qui tardent à venir. L’intrigue progresse par sauts constants du coq à l’âne, au point qu’on ne sait jamais à quoi s’attendre, mais le tout finit par former une histoire cohérente. Le réalisateur Martin McDonagh a le sens du détail incongru qui donne tout son sel à une scène : toutes les figures imposées du film noir sont là, mais il en prend presque toujours le contre-pied, ce qui donne des situations assez cocasses. Ça m’a un peu rappelé Quentin Tarantino et ses tueurs discutant de McDo et de Madonna, mais dans un registre différent. Et puis le trio d’acteurs est savoureux, Colin Farrell en tête. Ralph Fiennes, qui n’est jamais meilleur que quand il joue les tordus, est teigneux à souhait même si Farrell et Brendan Gleeson lui volent la vedette. Le film est très drôle de bout en bout, y compris lorsque les choses prennent une tournure plus sombre – on sait dès le départ qu’on est dans un film noir et une impression de tragédie imminente plane tout du long, mais rien ne s’y passe jamais comme prévu.

 

Bilan un peu plus mitigé pour Dorothy, même si le film est prenant. Je ne savais pas trop, en y allant, s’il relevait du fantastique ou du psychologique, et une partie de l’intérêt que j’y ai porté venait de là. Le film hésite longtemps entre les deux, et lorsqu’il tranche, c’est de manière logique mais un peu décevante – j’avais entrevu une autre explication possible qui me semblait cent fois plus glaçante. Mis à part ce détail et le fait que les personnages et situations soient parfois un peu stéréotypés, on se laisse vraiment prendre au jeu. Déjà, parce que le personnage de Dorothy – une adolescente accusée du meurtre d’un bébé et chez qui on soupçonne des troubles de la personnalité – est vraiment poignant, ne serait-ce que par l’étendue de la souffrance que lui fait porter toute une communauté. C’est là que le film frappe le plus fort. Sans compter qu’il aborde des thèmes dont je suis généralement assez cliente : la communauté qui protège ses secrets enfouis, le mystère dont la clé se trouve dans l’étude d’un cas psychiatrique, ce genre de choses. Dommage que la fin parte un peu en vrille avec des effets trop appuyés. J’ai été surprise d’apprendre que ce film tourné en Irlande et en langue anglaise était réalisé par Agnès Merlet dont je me rappelle avoir vu le premier long-métrage Le fils du requin il y a une bonne dizaine d’années.


And now, for something completely different (insérer générique du Monty Python’s Flying Circus)…
Je viens de voir que le site www.mondedulivre.com a mis en ligne une interview qui date de juin dernier et qui a la particularité d’être ma toute première interview vidéo, du moins de ce côté de la caméra. Parce que de l’autre, j’ai déjà donné une fois en cuisinant Eleni Mandell pour le Cargo et j’avais adoré l’expérience au point de vouloir recommencer, sauf que l’occasion ne s’est pas encore présentée. Pour la petite histoire, juste avant d’arriver dans les locaux de Bragelonne pour cette interview, je m’étais précipitée acheter un dictaphone pour enregistrer Amanda Palmer le lendemain – interview qui a failli être filmée, qui ne l’a finalement pas été, mais l’enchaînement des deux aurait été rigolo. Tout ça pour dire que maintenant que j’ai pris l’habitude de m’entendre parler, après avoir participé à des émissions de radio, je m’aperçois que c’est encore autre chose de se voir en images qui bougent. Ça fait quand même un peu bizarre. Pour info, le site compte également une interview de mon camarade Pierre Pevel, avec qui j’ai fait pas mal de signatures ces derniers temps.

Autre chose encore : je ne sais pas si vous avez remarqué, mais j’ai l’impression que le spam qu’on reçoit ces temps-ci, surtout quand on sent le passage au traducteur automatique, prend une tournure que je ne saurais qualifier que d’insolite et/ou de poétique. Sérieusement, des fois, c’est à la limite du haiku. Ça fait un moment que je me promets de recenser les perles et j’oublie à chaque fois. J’ai juste noté aujourd’hui les spécimens suivants, je cite : « Les problèmes avec la puissance ? Dès à présent ils vont disparaître » « Toujours plus d’ouverture et toutes les pilules » « Maintenant Le Cas! Enormes Penis! Ce Gros! » et mon préféré (authentique) : « Lumineux, Plein de Vin! La lutte, C’est en Vain! » Et encore, ce ne sont pas les meilleurs que j’aie vus. Si vous trouvez mieux, ça m’intéresse, je sens que je vais commencer une collection.


Je terminerai cette entrée assez décousue en signalant que dans la série des camarades qui désertent MySpace pour investir Over-blog, c’est au tour de mon collègue auteur et traducteur Lionel Davoust de s’y coller. Et ça se passe ici.

 

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