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Permanence

Message lancé dans une bouteille virtuelle. Je vous écris depuis la permanence traduction ActuSF – bon, en fait depuis mon bureau, mais ça fait moins classe dit comme ça. L’interview en ligne de Robin Hobb dure depuis hier matin et je trouve l’exercice encore plus amusant que je n’aurais cru. Nonobstant les poignées de cheveux que je me suis arraché sur certaines formulations. J’essaie de simplifier les phrases avant de traduire pour être bien sûre de garder le sens (de le comprendre, déjà) et de le restituer clairement. Les questions sont postées en journée, les réponses en soirée, décalage horaire oblige. C’est assez rigolo d’être le petit rouage invisible de l’interview qui centralise questions et réponses en coulisses. S’il y a des lecteurs de Robin Hobb qui passent dans le coin, n’hésitez surtout pas à poser des questions, le forum est ouvert à tous.

 

En parlant de traduction, j’ai hâte d’avoir rendu celle de Gig de James Lovegrove, ce qui ne saurait tarder. Je sature toujours en fin de trad, et ce livre-là m’a fait un effet assez curieux. C’est un exercice de style vraiment intéressant – un roman qui joue sur les palindromes et qui est lui-même construit comme tel : sans révéler l’intrigue, il se compose de deux récits qui se répondent en écho. Mais il m’a mise très mal à l’aise, pour des raisons qui ne tiennent pas entièrement au roman lui-même. Il brasse pas mal de questions sur lesquelles j’avais déjà beaucoup cogité ces derniers temps – sur l’acte de création (il se situe dans le milieu du rock), les fans et leurs obsessions, l’amitié et la façon dont elle peut parfois mal tourner, la difficulté d’établir des relations humaines (question qui me travaille particulièrement en ce moment)… Sans compter que l’un des personnages traverse une période de grosse remise en question qui rappelle de manière troublante celle dont j’ai parlé ici récemment. Le roman touche à des sujets sensibles, mais leur apporte une réponse plutôt négative. Le personnage que je trouve le plus antipathique est aussi celui que je comprends le mieux. Celui dans lequel je me reconnais le plus dit des choses très justes mais agit d’une manière que je trouve difficilement pardonnable. Je vais peut-être arrêter là avant de tout vous raconter. Mais c’est troublant. J’ai trouvé ce livre très intéressant à traduire, mais en schématisant un peu, je dirais aussi que j’ai détesté m’y reconnaître. Et pas sous mon meilleur jour. En revanche, j’ai trouvé amusant de regarder quelqu’un d’autre se livrer à un exercice auquel je m’étais essayé dans ma nouvelle « Matilda » : créer un groupe imaginaire, lui attribuer un répertoire, le mettre en scène en concert. C’est un jeu qui m’a toujours beaucoup intéressée, la création d’une oeuvre imaginaire à l’intérieur d’un livre (voir par exemple Tonino Benacquista qui donnait terriblement envie de voir pour de bon la série télé qu’il décrit dans Saga).

 

Juste après, il y a un nouveau Kelley Armstrong qui me fait de l’œil depuis ma table basse. Ce sera une traduction plus légère à tous points de vue, sinon la taille. J’ai à peine feuilleté le début et j’ai déjà hâte de connaître la suite. Cette fois c’est sûr : c’est l’auteur que je prends le plus de plaisir à traduire, juste après Graham Joyce (dans un genre extrêmement différent).

 

Pendant ce temps, la saga immobilière poursuit lentement son cours, je signe officiellement le 15 avril et je viens seulement de comprendre à quel point la perspective des changements qui suivront m’angoisse. L’idée de tourner une page pour de bon sans trop savoir ce qui se passera ensuite. Jusque ici, je trouvais ça très chouette. Depuis quelque temps, moins. On verra le moment venu. Mais de toute façon, c’est en marche.

Avant de retourner à ma permanence, je programme sur le juke-box la chanson du jour, simplement parce que James Lovegrove fait référence aux Beatles dans Gig et que c’est ma chanson préférée du groupe.


 

 

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Des écailles et des faussaires

 

Parlons un peu boulot, histoire de contrebalancer le ton grincheux de l’entrée précédente (j’ai un peu plus la pêche aujourd’hui). Je recommence à me bagarrer avec des frustrations liées à l’écriture, ce qui doit être bon signe : j’espère que ça m’aidera à m’y remettre. D’un côté, il y a cette impression dont j’ai déjà parlé et dont je ne sais pas dans quelle mesure elle colle à la réalité, celle d’avoir publié un recueil (Notre-Dame-aux-Écailles) un peu passé inaperçu, ou en tout cas largement éclipsé par Serpentine. Or, Serpentine date d’il y a cinq ans, je suis passée à autre chose et je ne peux pas m’empêcher de regretter que Notre-Dame-aux-Écailles n’ait pas suscité le même intérêt. Comme je l’ai déjà dit, je n’ai pas l’impression qu’il soit moins bon, il contient quelques textes dont je suis vraiment fière et dont je regrette qu’ils n’aient pas été lus par davantage de monde. Je le trouve plus mûr, plus adulte, plus en adéquation avec la personne que je suis aujourd’hui à 32 ans. J’ai été frappée de constater que dans mon entourage, un certain nombre de personnes qui avaient apprécié mes livres précédents et qui disaient attendre celui-là impatiemment ne l’ont pas lu lorsqu’il est effectivement paru. Ils n’ont sans doute pas eu le temps (je sais ce que c’est), mais la tendance est assez générale pour que ça m’ait frappée. Comme s’il y avait un désir de lecture que Notre-Dame-aux-Écailles n’arrive pas à susciter, alors que Serpentine continue à le faire cinq ans après sa sortie. Je sais que je devrais me réjouir de ce qui arrive autour de Serpentine, mais je retire de tout ça un sentiment d’échec dont je n’arrive pas à me défaire. C’est peut-être simplement que l’effet de surprise est passé, comme on me l’a déjà fait remarquer. Et puis la fois précédente où j’avais publié un livre, j’en avais sorti trois coup sur coup – forcément, ça attire nettement plus l’attention. On ne peut pas avoir la même chance à chaque fois.

 

Ajoutez à ça ma frustration d’écrire aussi peu. Le fait que mon texte préféré parmi ceux que j’ai écrits l’an dernier, « Le jardin des silences », soit paru dans un support hyper confidentiel n’aide pas vraiment : il faudra attendre un prochain recueil pour qu’il soit lu. Du coup, je ne peux pas m’empêcher d’éprouver une bouffée d’envie face à la productivité de certains de mes camarades. Je ne sais vraiment pas où ils trouvent l’énergie d’écrire autant. Je suis toujours étonnée quand les gens me demandent « Tu travailles sur quoi en ce moment ? » comme s’il était absolument évident que j’aie toujours un projet en cours. Je me demande chaque fois comment on peut s’attendre à ce que quelqu’un ait constamment des idées et des projets dans la tête – mais visiblement, pas mal de collègues y arrivent, c’est juste moi qui fais tache. Je n’ai pas écrit une ligne, ou plus précisément par réussi à mener une idée à terme, depuis l’été dernier. Depuis « Dragon caché » qui paraîtra prochainement dans une anthologie que j’ai hâte de voir sortir. Ce n’est pas l’envie qui me manque, c’est juste l’énergie. Quand les idées ne viennent pas, je ne peux pas les forcer. Il y a des chances que ça revienne au printemps comme tous les ans ou presque, d’autant qu’on m’a commandé une nouvelle à laquelle je suis en train de réfléchir. Mais le thème m’intimide et je me demande comment éviter une redite par rapport à deux nouvelles précédentes qui l’abordaient déjà.

 

En attendant, après une accalmie de quelques mois, je recommence tranquillement les salons. Je participe à un premier salon à Bagnols-sur-Cèze, près d’Avignon, le week-end du 28 février au 1er mars, et puis il y aura Trolls & Légendes à Mons, en Belgique, le 11 et 12 avril – je garde un excellent souvenir de l’édition précédente. Plus d’autres événements que je confirmerai plus tard. Je compte également passer en touriste aux Imaginales d’Épinal, mais sur une durée sans doute plus réduite que d’habitude (la faute à John Parish et PJ Harvey, voire entrées précédentes).

 

Pour parler un peu traduction, Bragelonne vient de mettre en ligne un extrait d’un roman à paraître en février et que j’ai traduit : Mémoires d’un maître faussaire de William Heaney. Très chouette bouquin que je vous recommande, où l’argument fantastique est extrêmement ténu et relève quasiment plus de la métaphore, mais l’intérêt n’est pas là, plutôt dans la façon dont les différents intrigues se croisent autour du personnage principal. Vous pouvez en lire le début ici. Je recopie ci-dessous la bio et la présentation de l’éditeur :

 

William Heaney est un imposteur. Charmant, certes, mais un imposteur quand même. Aux prises avec ses démons et ceux des autres, il passe un peu trop son temps à vider la cave des meilleurs pubs de Londres. À l’occasion il prétendra même qu’il est le nom de plume d’un grand écrivain anglais. Méfiez-vous.

 

Le livre : William est un faussaire spécialisé dans les livres. Il est doué pour l’écriture mais préfère griffonner incognito des poèmes pour un ami plus séduisant que lui et fabriquer des exemplaires factices de premières éditions de Jane Austen qu’il vend ensuite à des collectionneurs crédules. Il n’est pas si mauvais, au fond. Il reverse l’argent récolté à un foyer pour SDF et ses crimes ne font de mal à personne. Mais si William n’a rien fait d’autre de sa vie, ce n’est pas sans raison. Il a commis quelque chose qui lui fait honte quand il était étudiant, boit beaucoup trop et ne peut s’engager dans une relation amoureuse. Ah oui, et il voit des démons. Des silhouettes éthérées qui rôdent derrière le dos de ceux qui l’entourent, guettant un instant de faiblesse (elles n’épargnent que la gérante du foyer, qu’elles n’osent pas approcher). À moins que William ne voie simplement la souffrance du monde ? Puis une femme extraordinaire, peut-être capable de l’en sauver, entre dans sa vie. William raconte ici sa propre histoire. Mais qui croira un maître faussaire ?

 

 

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Communiqué

Je m’y prends avec un temps de retard (le texte ayant pas mal circulé, beaucoup d’entre vous l’auront déjà lu) mais je recopie ci-dessous un communiqué du traducteur Jean-Daniel Brèque, un collègue que j’estime beaucoup et qui est, soit dit en passant, l’un des meilleurs traducteurs du domaine SF/fantasy/fantastique : 

« Traducteur de plusieurs ouvrages de Dan Simmons – de L’ECHIQUIER DU MAL (Denoël, 1992) à TERREUR Robert Laffont, 2008) -, je tenais depuis 2004 une rubrique régulière sur son site web. Ces derniers temps, j’ai été troublé, révolté et même écouré par les propos des intervenants du forum de ce site, voire de l’auteur lui-même, qui déversaient des flots de haine contre les démocrates, les Arabes, les homosexuels, les écologistes, et cætera.

C’est le 11 janvier dernier qu’est arrivée la goutte d’eau qui a fait déborder le vase : Dan Simmons a encouragé un internaute à dénoncer au FBI une jeune Palestinienne étudiant aux Etats-Unis, qui lui avait confié sa colère devant le massacre de Gaza et son désir de vengeance. Simmons allait jusqu’à donner le lien du site à contacter pour une dénonciation, ainsi que plusieurs numéros de téléphone, concluant son message par la phrase suivante : « En fait, inutile de les contacter, je l’ai déjà fait (je suppose que son prénom n’est pas celui que vous donnez, mais vous pourrez discuter de cela avec les agents fédéraux qui vont vous rendre visite). »

Le même jour, je lui ai signifié ma décision de cesser toute collaboration avec son site. Il en a pris acte, maintenant son appel à la délation (sa justification tenait en une date, celle du 11 septembre) et concluant – à tort – que j’éprouvais « du mépris » pour son site web, pour sa position et pour lui-même, mais aussi pour son ouvre. En conséquence, me dit-il, il a décidé non seulement de faire effacer de son site web toutes les chroniques que j’avais rédigées – à ce jour (21/1/2009), cela n’est pas encore fait, la gestionnaire dudit site étant en vacances -, mais il en a en outre « contacté Danny Baror, [son] agent littéraire pour l’étranger, et lui [a] demandé de s’assurer (par contrat) que [je] ne [serais] plus jamais en position de traduire DROOD [son dernier roman], ni toute nouvelle ouvre de fiction signée Dan Simmons. »


S’il m’avait demandé de ne plus le traduire, vu la rupture de notre relation de confiance, je l’aurais accepté. Il a choisi de m’imposer sa volonté – une frappe préventive, doublée d’une riposte disproportionnée, ce qui est parfaitement cohérent avec sa posture idéologique. Après avoir informé les éditeurs pour lesquels j’ai récemment traduit ses romans – et que je remercie pour leur soutien -, j’ai décidé de rendre public cet incident, afin que ma position soit claire.


Jean-Daniel Brèque


« C’est chose rare qu’un auteur cherche à se faire plus petit que son ouvre. »
Antoine Blondin

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Catherine et Jérôme passent à la radio

 


Lundi dernier, l’émission Salle 101 se transportait au Habibi, très sympathique bar à vin situé au 44 rue Traversière (donc à dix minutes à pied de chez moi, j’approuve) pour l’enregistrement d’une interview croisée de Catherine Dufour et de Jérôme Noirez. Comme peuvent s’en douter ceux qui connaissent Catherine et Jérôme, l’interview fut assez cocasse. Il y fut question notamment de biniou arménien, d’anémones de mer, du « bloop » et de poteaux à hauteur de couilles (© Catherine Dufour). Je suis morte de rire en la réécoutant. Sans compter que l’ambiance était très bonne – la fin de soirée se fond pour moi dans un flou légèrement éthylique, la faute au vin blanc du Habibi. L’émission est en écoute ici.


 

J’en profite pour rappeler (un peu tard) que c’est aujourd’hui à partir de 17h que Francis Berthelot signera son Petit cabaret des morts chez Scylla (8 rue Riesener). Toute personne résidant à Paris qui lira ces lignes a l’obligation de passer y faire un tour et d’acheter les bouquins de Francis. (Si si, y a un message subliminal planqué entre les lignes : Allez chez Scylla, je le veux.) Franchement, vous ne le regretterez pas, ses livres sont vraiment magnifiques.

 

À part ça, je m’apprêtais à poser des questions concernant les connexions wi-fi, adressées à l’assemblée de geeks qui passe dans le coin, mais j’ai eu la réponse alors même que je rédigeais cette entrée. Je suis en train de tester, un peu en avance, le PC portable tout neuf que j’aurai pour Noël et de vérifier que tout marche bien, et je me demandais s’il était possible de partager la connexion internet de mon PC fixe. Apparemment non, donc je vais me débrouiller autrement. À propos de geekitude, comme on a tous nos petits rituels, je considère que je m’approprie vraiment un ordinateur une fois que j’ai installé une photo en fond d’écran et que j’ai baptisé la bête. Pour des raisons qui m’échappent, mes ordinateurs ont toujours eu des surnoms qui étaient des titres de chansons contenant des prénoms. C’est peut-être parce que j’écoutais beaucoup Murder ballads de Nick Cave quand j’ai eu mon premier PC en 1996 que je l’ai baptisé Stagger Lee. Le deuxième, du coup, je l’avais appelé Crow Jane en clin d’œil au même album. Mon premier portable, acheté avec l’à-valoir d’Arlis des forains et qui commence à prendre un coup de vieux, c’était Pirate Jenny, du nom de ma chanson préférée de L’Opéra de quat’ sous. Pour le nouveau portable, le nom s’est imposé tout seul : Half Jack, du nom d’une chanson qui a pas mal tourné chez moi cette année pendant ma grosse période Dresden Dolls (à ce propos d’ailleurs : je viens d’apprendre qu’Amanda Palmer repassait à Paris en février, au Divan du Monde – joie, bonheur, y a juste mon portefeuille qui fait un peu la gueule).

 

(PS : Passez chez Scylla tout à l’heure et achetez du Berthelot, je le veux. Y aura à boire.)

 

 

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Ellen Kushner à Paris

 

Quelques photos de la dédicace hier soir d’Ellen Kushner à la librairie Scylla (8 rue Riesener, 75012 Paris, très bonne adresse), suivie de l’enregistrement d’une interview pour l’émission Salle 101. L’ambiance était très chouette, très conviviale, c’était amusant de nous retrouver tous entassés dans la petite librairie (lecteurs, éditeurs et autres habitués des lieux), assis par terre pour certains, pour écouter religieusement l’interview avec l’impression de vivre un moment à part. Ellen Kushner nous a bluffés en répondant aux questions dans un français impeccable. Un peu plus tôt, elle nous avait lu des extraits de son roman À la pointe de l’épée dans les deux langues. Je n’ai encore jamais lu ses livres, bien que je connaisse son nom depuis longtemps, comme éditrice et comme auteur (tout comme celui de Delia Sherman qui l’accompagnait), mais ça ne m’a pas empêchée de trouver l’interview passionnante. Elle y a parlé notamment de la notion d’« interstitial arts » (qui correspond en gros à ce que Francis Berthelot appelle les « transfictions », ces littératures qui dépassent les frontières des genres) et de ses romans À la pointe de l’épée (qui vient de paraître chez Calmann-Lévy) et Thomas le rimeur. L’interview sera en écoute sur le site de la Salle 101 à partir de jeudi à cette adresse.

 

Ellen Kushner et Delia Sherman seront à partir de mercredi soir aux Utopiales de Nantes. Ça tombe bien, moi aussi (à partir de jeudi). On y sera très vite.



 

 

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