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Eleni a la poisse (une fois de plus)


 

Ça se confirme décidément à chacun de ses passages en France, mais je n’ai jamais vu d’artistes qui aient autant la poisse qu’Eleni Mandell. Ça en devient intrigant. Comment expliquer autrement le fait qu’elle ait joué hier aux « Femmes s’en mêlent », en tête d’affiche, devant une salle quasiment vide alors que ladite salle était comble pendant le set de Those Dancing Days, dont le public n’a même pas eu la curiosité de rester voir quelques minutes à quoi ressemblait le dernier set de la soirée. J’ai échangé un regard dégoûté avec une amie qui est aussi fan que moi d’Eleni Mandell et avec qui on a souvent parlé de ce manque de bol persistant – l’air de dire « C’est pas vrai, ça recommence. »

 

Je me suis déjà étendue sur le sujet ici et ailleurs, mais il y a un malentendu persistant et assez inexplicable : il ne fait absolument aucun doute qu’il existe un public et un marché pour sa musique en France, mais la rencontre ne se fait pas. Il y a eu un buzz naissant après son passage renversant aux « Femmes s’en mêlent » en 2003, le concert où je l’ai justement découverte, mais ça n’est pas allé plus loin. A chaque concert, de nouveaux convertis se précipitent (comme je l’avais fait en 2003) au stand marchandises pour acheter ses albums en se promettant de la suivre de près. Mais une année après l’autre, elle n’assure que des premières parties ou joue dans des salles vides. Pour la voir se produire dans de bonnes conditions et devant un public connaisseur et attentif, il avait fallu que j’aille à Bruxelles en 2007. Mais ici, rien à faire. Quand je pense qu’il s’agit de la même personne dont les morceaux retiennent systématiquement l’attention quand je fais écouter à des amis des compils d’artistes variés (on me demande quasiment toujours de qui il s’agit), ça me laisse songeuse. Pauline ou Snake Song sont des tubes, mais connus à peine d’une poignée d’initiés.

 

Et Pauline, hier soir, ça déchirait toujours autant. Le concert avait pourtant mal commencé. La faute à un son épouvantable qui noyait la voix dans une bouillie sonore. Ce qui fait tiquer dans la mesure où c’est la voix d’Eleni, avant toute chose, qui retient l’attention sur scène. Mais je sais, d’expérience, qu’avec elle c’est toujours quitte ou double. Une fois sur deux, c’est en dents de scie – début hésitant, final superbe. Et une fois sur deux, on ramasse sa mâchoire et on se prend en pleine figure un spectacle d’une intensité constante de bout en bout, le genre de concert dont on se souvient longtemps. Hier, c’était la première option. Sur un morceau comme Artificial Fire, j’ai eu l’impression d’un vrai gâchis, dans la mesure où les gens qui l’entendaient pour la première fois, à cause de ce son approximatif, ont dû passer totalement à côté de la mélodie entêtante qui fait tout le sel du morceau (cette même mélodie qui m’avait tellement scotchée quand je l’avais découverte en live, en solo acoustique, dans la même salle un an plus tôt). Mais dès le premier morceau en demi-teinte, Dreamboat, l’ambiance s’est enfin installée et le reste du concert a été très beau. J’ai toujours une nette préférence pour les morceaux où les arrangements restent en retrait derrière la voix – voire ceux qu’elle joue en solo, comme Home qui me file toujours la chair de poule. Tout ce qu’on peut faire de plus poignant en matière de country mélancolique est contenu dans ce morceau.

 

J’ai l’impression de tenir les mêmes propos chaque fois qu’Eleni Mandell sort un album ou se produit en France. Ça fait maintenant six ans que l’énigme de sa non-rencontre avec le public français me sidère. Si ce n’est pas de la poisse caractérisée, je ne sais pas comment qualifier le phénomène. Je n’imagine même pas à quel point elle doit trouver ça usant, une année après l’autre, de devior toujours faire ses preuves. Et depuis tout ce temps, le public français ne sait pas à côté de quelles merveilles il passe.

 

Tentative d’illustration par cette version live de Nickel-Plated Man dont on a entendu une version magnifique hier soir. Ça ne vous dira pas à quel point l’instant était beau – aucune vidéo ne rend justice à l’intensité de ses concerts. Mais ça vous donnera peut-être une petite idée.


 

 

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