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Une playlist pour “L’Année suspendue”

Le premier article paru récemment sur mon nouveau livre L’Année suspendue, une interview réalisée pour le site lecteurs.com, mentionnait l’importance des références à la culture pop dans le texte, qui sont effectivement assez nombreuses. Ce qui m’a donné envie de créer une playlist reprenant les morceaux et artistes cités dans le texte ainsi des extraits de la B.O. de films, séries ou jeux qui y apparaissent. L’ensemble forme un patchwork où chaque morceau représente à mes yeux un petit bout du texte, un aspect particulier de la narration. Un petit bonus que je partage avec vous aujourd’hui en espérant qu’il vous plaira.

La playlist est également disponible sur YouTube.

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De l’année écoulée, je ne voudrais garder…

De l’année écoulée, je ne voudrais garder que les bons souvenirs. Le réveillon joyeux qui a ouvert janvier. Le soulagement du diagnostic et le retour provisoire à la vie. Les fêtes du début d’année, les concerts quand il y en a eu. L’euphorie du dernier cabaret avant la fin du monde. Puis quand tout a basculé, la solidarité, les liens renforcés ou confirmés, les gens qui ont été là, tous les messages, tous les coups de fil, le soutien à distance. Les moments de joie partagés même derrière des écrans. L’apéro Zoom cinéphile du vendredi soir. Les quizz en famille dans trois villes différentes, le dessin à distance avec ma nièce, mes chauves-souris contre ses sorcières. Le calme au milieu du chaos dans ma bulle douillette, tous les films dévorés, les recettes testées, la musique comme un baume salvateur, les albums que j’attendais et dont l’écoute m’a transportée. Un livre terminé, accepté, bientôt publié. Les ressources que je me suis découvertes – j’ai tenu soixante jours d’isolement consécutifs et je n’en reviens toujours pas. La présence féline qui m’a souvent sauvé la mise. L’incroyable douceur du mois de juin une fois les portes rouvertes, l’émerveillement de retrouver les lieux, les gens. Un déjeuner tranquille au bord des rails, les pique-niques en bord de Seine, près du Louvre, au pied du Sacré-Cœur, au bois de Vincennes, aux Tuileries, encore et toujours aux Tuileries. Les retrouvailles avec un cousin pas revu depuis trop longtemps. Les couchers du soleil sur la mer au cœur d’un été infernal. Un refuge retrouvé sur l’île de Ré. Une nuit mémorable à jouer à Cards Against Humanity avant de refaire le monde jusqu’à très tard. Deux soirées magiques autour d’une péniche en bord de Seine. Les personnes que j’ai vues chercher la lumière envers et contre tout. Le soutien de celles qui m’ont vue flancher sans détourner le regard. Une rencontre en bibliothèque chaleureuse même à travers un écran. La joie d’enfance retrouvée des longues soirées à dessiner. La déco de fin d’année bricolée de bric et de broc, les échanges de cartes de vœux maison avec la famille. Les attentions et les surprises pour mon anniversaire, un Noël sans famille mais pas sans compagnie, une marche dans la nuit retrouvée le temps d’un soir. Des retrouvailles à distance entre camarades de fac vingt-deux ans après. Et les fois si nombreuses où les gens m’ont surprise en bien. J’ai beaucoup été seule, mais je ne l’ai jamais été moins que cette année.

Et puis simplement le plaisir d’être là, au terme de cette année, et d’égrener tous ces souvenirs. Ça en fait, sur une année, des moments de chaleur et de joie. Plus aucun n’était anodin.

J’ai beaucoup appris en 2020. J’ai souvent mesuré ma chance. C’est ce que je souhaiterais en garder. Merci à toutes les personnes qui m’ont aidée à traverser 2020 et à en émerger à peu près intacte.

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“The Haunting of Bly Manor”

(Cet article est initialement paru sur Le Cargo. Pour ceux que le sujet intéresserait, l’ensemble de mes chroniques pour le webzine est accessible ici.)

En 2018, The Haunting of Hill House avait fait forte impression chez les amateurs de fantastique. Par sa beauté formelle et la qualité de sa réalisation, par le soin apporté à l’aspect horrifique comme à ses répercussions psychologiques sur les personnages, mais aussi par son parti pris d’adaptation très personnel. Du roman Maison hantée de Shirley Jackson, il ne gardait que le titre original, le décor impressionnant de Hill House, demeure labyrinthique pas tant hantée que corrompue, et quelques éléments épars comme le nom des personnages. La série racontait une tout autre histoire, celle d’une famille dysfonctionnelle marquée par un traumatisme collectif impossible à dépasser.

Deux tours d’écrou

L’intrigue étant close au terme de cette magnifique saison, on avait accueilli avec méfiance l’annonce d’une suite, jusqu’à ce qu’il soit dévoilé qu’elle adapterait un autre classique du récit de fantômes : Le Tour d’écrou de Henry James. L’idée d’une série anthologique inspirée chaque fois par un classique différent avait de quoi séduire ; on attendit donc The Haunting of Bly Manor avec une double impatience, dans l’espoir d’y retrouver l’éblouissement de la première fois, mais aussi dans la curiosité de découvrir comment le réalisateur Mike Flanagan allait tordre cette fois le matériau d’origine. Dès l’ouverture, cette deuxième saison semble pourtant revendiquer une fidélité plus grande, plus proche de la transposition modernisée. Une femme à l’air usé (Carla Gugino) raconte aux convives d’un mariage une histoire de fantômes, et prononce la fameuse phrase qui donne son titre au texte de Henry James, laquelle postule que si la présence d’un enfant renforce l’impact de ce genre de récit, celle de deux enfants fournit un « tour d’écrou » supplémentaire. Le début de la série épouse les grandes lignes du texte : Danielle (Victoria Pedretti), jeune fille au pair américaine, s’y voit embauchée pour s’occuper de deux orphelins, Miles et Flora, dans une vieille maison de la campagne anglaise. Des signes inquiétants se multiplient bientôt : Flora a des jeux troublants, Miles le tempérament changeant, la bâtisse cache des secrets, et Flora semble marquée par la mort de la jeune fille au pair précédente, qu’elle a trouvée noyée dans le lac de la propriété.

Dès lors, le suspense est double pour qui connaît Le Tour d’écrou. À la question de savoir ce qui s’est passé exactement dans la demeure et qui sont ces fantômes, réels ou métaphoriques, qui hantent plusieurs des personnages, s’ajoute celle de découvrir quand et de quelle manière l’intrigue déviera du texte d’origine. En douceur dans un premier temps, par le développement de l’histoire individuelle de chaque protagoniste ; on retrouve la construction chorale qui faisait la richesse de The Haunting of Hill House, chaque épisode adoptant le point de vue d’un personnage différent. De ces intrigues parallèles en naîtra progressivement une nouvelle – une hantise derrière la hantise. Plus le récit avance et plus l’on retrouve les thèmes explorés dans la première saison, les propres obsessions de Mike Flanagan davantage que celles des auteurs qu’il adapte ; on est soudain frappé par la récurrence chez lui des motifs du traumatisme, de la résilience ou du déni, jusque dans le choix des romans de Stephen King qu’il a portés à l’écran (dont un Jessie magistral). Ici, les fantômes se nomment deuil, amour toxique, remords ou trahison.

Poésie gothique

Comme dans la saison précédente, l’écriture est admirable de précision, avec une attention portée aux moindres détails, parfois semés longtemps avant qu’on ne comprenne leur importance ; chaque flashback consacré à l’histoire d’un personnage vient éclairer différemment une scène qu’on avait crue plus anodine. Les éléments s’emboîtent un par un avec une grande habileté pour former un tableau plus complexe qu’il n’y paraissait au départ. Le soin apporté à l’esthétique des éléments surnaturels renforce le trouble créé par le procédé. Ainsi comprend-on très vite, lors des furtives apparitions du fantôme qui hante Danielle dans les miroirs, qu’il est l’ombre d’un traumatisme qui l’a détruite. Les spectres créent ici le même malaise que ceux de Hill House (rappelez-vous la « dame au cou tordu ») dans ce que leur apparence suggère d’anomalie. Les deux saisons partagent une même beauté formelle, faite de couleurs sombres et d’ombres oppressantes, ainsi qu’une interprétation remarquable. Si le personnage de Danielle peine à convaincre par moments (le décalage culturel induit par ses origines américaines détonne parfois de manière un peu gratuite), la gouvernante Hannah Grose, magnifiquement incarnée par T’Nia Miller, nous a bouleversés dans l’épisode de mi-saison qui lui est consacré. Comme dans The Haunting of Hill House, les enfants sont d’une justesse remarquable, particulièrement Benjamin Evan Ainsworth qui est un Miles impressionnant d’ambiguïté et de détresse silencieuse. La série brosse par ailleurs un portrait très convaincant d’un manipulateur séduisant mais sans envergure, plus inquiétant dans sa banalité que bien des personnages de fiction ouvertement maléfiques. Car des salauds ordinaires comme celui-là, nous en avons tous connu.

Pour autant, la série n’est pas sans défauts ; The Haunting of Hill House, malgré sa quasi-perfection, décevait par une fin totalement ratée, en décalage embarrassant avec ce qui précédait. Quelques scènes, ici encore, s’intègrent mal, de par des choix musicaux douteux ou un aspect plus superficiel, notamment dans l’intrigue de Danielle. Bly Manor bénéficie au moins d’une conclusion satisfaisante, et même assez poignante, encore qu’un peu bancale. On s’étonne d’autant plus de ces fautes de goût ponctuelles que la série se tire habilement de procédés à la limite du cliché, comme la voix off sur laquelle repose une grande partie des deux derniers épisodes, qui pourrait sonner faux mais ne fait que renforcer l’impression d’envoûtement (de l’avant-dernier épisode, nous ne vous dirons rien, sinon qu’il est un splendide exercice de style tout en poésie gothique, que nous vous laissons découvrir).

La force et la finesse

Si l’effet de surprise n’est plus tout à fait le même, The Haunting of Bly Manor se révèle à la hauteur – conséquente – de la première saison. Effrayante et tragique, profondément humaine, en même temps qu’un régal pour le regard. Mike Flanagan s’y dévoile comme un réalisateur qui comprend intimement toute la force et la finesse du genre fantastique, et ces deux saisons comme l’une des plus belles œuvres du genre que nous ayons vues ces dernières années.

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Playlist “Halloween et autres hantises”

Je nourris depuis l’enfance une vraie fascination pour l’imagerie entourant Halloween, au point de collectionner les bougeoirs, emporte-pièces et autres gadgets à base de fantômes et de citrouilles. Je me suis donc amusée cette année à concocter une playlist spéciale, destinée à moi seule au départ, et que j’ai eu envie ensuite de partager avec vous. Elle a commencé comme une sélection classique autour de Halloween avant de partir un peu ailleurs, mais toujours plus ou moins en lien avec les fantômes, sorcières, vampires ou les ambiances fantastiques ou sinistres en général. Vous y croiserez aussi bien des B.O. de films d’horreur (Halloween bien sûr, Suspiria), de séries (Buffy contre les vampires) ou jeux vidéo (Silent Hill) que des artistes comme Higelin ou Juliette, Nick Cave ou Kate Bush, Siouxsie ou Bauhaus. J’espère qu’elle vous divertira. Portez-vous aussi bien qu’il est possible dans cette période étrange et difficile.

 

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Après viendra la peur

Après viendra la peur
Qu’on m’ait vue sans armure
Au bord de la terreur,
Au cœur de la fêlure.
Quand cesseront les pleurs
Restera l’écorchure,
Un goût de déshonneur,
D’échec et de souillure.

Après viendra la peur
De n’avoir vu venir
La vague en sa fureur
Qui noie mes souvenirs
Et m’arrache des heures.
Dans vos yeux vais-je lire
La gêne ou la douceur,
La fuite ou le sourire ?

Après viendra la peur
De ma propre impuissance
Face au chaos rageur
Où j’implose en enfance.
Je sais mon impudeur
Même au fond de la transe,
Je sais votre stupeur
Devant sa fulgurance.

Après viendra la peur
D’avoir perdu mon corps
Dans l’absurde torpeur
D’un orage indolore
Où seuls restent les pleurs
Quand la mémoire se tord,
L’instant perd ses couleurs
Et l’émotion s’endort.

Après reviendra l’heure
De remettre l’armure,
De rajuster l’humeur,
De faire douce figure
Pour masquer la laideur
D’un instant de cassure.
Mais gravée dans mon cœur
Restera la brûlure.

Inspiré par plusieurs événements qui pourraient être, quoique je n’en sois pas complètement sûre, ces crises autistiques que l’on nomme « meltdowns », sortes d’explosions face à une surcharge sensorielle ou émotionnelle impossible à gérer. L’expérience est déroutante, difficile à décrire mais encore plus à comprendre. D’où l’envie d’essayer d’écrire sur ce qui ne peut être écrit.

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