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Albatross !

Expérience amusante : c’est la première fois que je m’entends doublée en allemand. Je comprends un mot sur cinq mais je reconstitue plus ou moins le reste. C’est grâce à un coup de pouce de Vinciane qui s’y était collée avant moi (merci Vinciane !). Si j’ai bien compris le projet, mené par une étudiante allemande en journalisme installée à Paris, il s’agit d’une série de portraits de jeunes artistes qui vivent ou cherchent à vivre de leur activité artistique (dans mon cas, je triche un peu, c’est grâce à la traduction).

 

À part ça, l’heure est grave. Je viens de faire mon premier carton de livres. Un glissement spatio-temporel s’est produit aujourd’hui. Entre un passage chez le courtier pour remplir, signer et parapher avec des mentions manuscrites interminables mon offre de prêt, des coups de fil à l’agence qui me vend l’appart et la visite de celle qui me loue l’actuel, je viens voir tous mes critères légèrement chamboulés. Ça va aller plus vite que je ne pensais. Si tout va bien, je signerai avant la date butoir du 15 avril – peut-être même début avril. Et je vais sans doute pouvoir libérer l’appart actuel courant mai au lieu de début juin comme fixé par le délai de préavis. En gros, dans un petit mois, je suis propriétaire ; dans deux mois, j’aurai rendu les clés du studio. Franchement, il était temps. Les semaines à venir vont sans doute être speed, mais ce n’est pas plus mal que de jouer au yoyo entre « vivement que je me casse d’ici » et « pas envie de quitter mon quartier » en attendant que les choses avancent. Il serait temps que je me remette sérieusement en quête de meubles et surtout d’une armoire – curieusement, c’est ce que j’ai le plus de mal à trouver.

 

Je ne sais pas s’il y a un lien de cause à effet, mais je n’ai jamais autant repensé à mon cambriolage de décembre que depuis que j’ai confirmation officielle que je m’en vais bientôt. Ça m’a frappée samedi en rentrant d’une soirée chez des amis, une grosse bouffée de haine contre mon cambrioleur quand je me suis rendu compte que j’ai encore le réflexe, en poussant la porte, de vérifier que tout est en place. Juste une fraction de seconde, mais quasiment chaque fois. Cela dit, rien à voir avec la grosse frousse du début, qui n’a finalement duré qu’une petite semaine. C’est le genre d’expérience dont on se fait une montagne avant mais qui est finalement facile à gérer quand ça nous tombe dessus. Passé les démarches et la trouille du début, ça ne laisse que des traces très diffuses. Du moins quand il n’y a pas de casse et très peu d’objets volés (même si, en l’absence d’effraction, je ne vais rien toucher de l’assurance). Le seul aspect un peu pénible, c’est la corvée des volets à fermer chaque fois que je sors et que j’ai parfois la flemme de rouvrir en rentrant. Je ne sais même pas si c’est vraiment à cause de ça que je supporte encore moins mon appart qu’avant, que je ne fais quasiment plus la cuisine, et surtout que je n’ai plus aucune envie que des gens entrent ici, même des proches qui y sont déjà souvent venus. C’est devenu une sorte de boîte hermétique, un peu étouffante, dont j’ai hâte de sortir. Détail amusant : depuis décembre, je fais régulièrement le lapsus consistant à remplacer le mot « cambriolage » par « déménagement ». J’en ai fait un moins rigolo l’autre soir en confondant plusieurs fois de suite les deux appartements, en déclarant que le nouveau était tout pourri alors que je parlais de l’ancien. Mais c’était après plusieurs bières.

 

À propos de bière et de choses qui se boivent, inauguration demain soir du Salon du Livre. J’y serai présente dimanche de 11h à 12h30, puis mardi de 19h à 21h, sur le stand Bragelonne (V-021). Je viens d’ailleurs de me rappeler qu’il y aura en dédicace chez Bragelonne un certain Terry Jones et qu’il semblerait que ce soit celui de la vidéo ci-dessous. Ça fait tout drôle.


 

Je me rappelle plutôt Terry Jones pour les sketches où il se déguise en femme, mais celui-là m’a toujours fait marrer.

 

 

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Elysian Fields, suite

Alors c’est vrai qu’Oren Bloedow et Jennifer Charles n’étaient pas au mieux de leur forme, ils étaient tous les deux crevés et/ou malades et ça se ressentait pas mal. Plusieurs fans qui les ont souvent vus sur scène étaient un peu déçus. Mais quand même, je n’ai jamais vu de concert d’Elysian Fields qui ne réserve pas au moins quelques moment superbes. Comme je m’y attendais, les morceaux du dernier album The Afterlife passent beaucoup mieux en live que sur disque. L’album n’est pas mauvais, loin de là, mais le précédent (Bum raps and love taps, peut-être mon préféré) avait amorcé un tournant assez radical et cet album-ci, beaucoup plus sage, me fait l’effet d’un pas en arrière. Ce n’est peut-être pas un hasard si les meilleurs moments du concert, à l’exception d’un très beau duo entre Oren et Jennifer (Ashes in winter light) et d’un inédit chanté par Oren, étaient des morceaux plus anciens. Cities will fall et Tides of the moon, toujours envoûtants sur scène, le génial Lame lady of the highways, morceau le plus bizarre et inquiétant de Bum raps and love taps (souvent qualifié de « lynchien » d’ailleurs). Et puis au rappel, cette petite chanson baptisée We’re in love qui clôt Bum raps and love taps en douceur, l’air de rien, mais qui me prend aux tripes depuis la première fois que je l’ai entendue en live. Je ne suis pas sûre de bien comprendre le texte mais ça remue pas mal de choses. Interprété en duo, avec simplement la voix de Jennifer et la guitare d’Oren, c’est mélancolique et intimiste à souhait. Jennifer avait l’air émue en chantant ce morceau, je ne l’étais pas moins.

 

Côté photos, je ne m’explique pas bien pourquoi j’ai davantage galéré que lorsque je les avais photographiés en 2006 avec mon vieux Powershot A80. Question d’éclairage peut-être ? Entre les contre-jours et les angles peu flatteurs, j’ai eu du mal à obtenir des photos dont je sois satisfaite. J’étais trop loin d’Oren, trop près de Jennifer. À une exception près, un portrait d’Oren assez net mais très classique, toutes mes photos couleur sont fades ou ratées – je suis passée assez vite au sépia pour essayer de rattraper le coup et je trouve que ça ne colle pas plus mal. Pour la mise en ligne sur le Cargo, je devrais partager une page avec Micky, qui aura un résultat très différent : pas le même angle, pas le même matos, pas le même regard, pas la même expérience (ou absence d’icelle en ce qui me concerne). J’aime beaucoup celle-ci notamment.


 

 

Prochain concert fin avril, pour voir Eleni Mandell aux « Femmes s’en mêlent », le festival où j’étais devenue instantanément fan en la découvrant lors de l’édition 2003. Il faut dire qu’elle avait très largement volé la vedette à Lisa Germano qui passait juste après et pour qui j’avais acheté ma place. Je parlerai peut-être ici de son très chouette album Artificial fire, mais je me laisse le temps de finir de le découvrir.

 

À propos de tout autre chose : relu et corrigé ce matin les épreuves de « Dragon caché ». C’est souvent très agréable de relire un texte qu’on a laissé reposer plusieurs mois, surtout quand on le voit dans sa mise en page définitive. Lors de ma relecture précédente, j’avais tiqué sur un aspect de la fin (moins le contenu que l’écriture). Ce matin, j’ai trouvé que ça passait tout seul. Le texte n’est pas sans défauts, mais je suis attachée à son ambiance, à ses personnages et j’ai vraiment pris plaisir à le relire tout à l’heure. J’ai hâte de le voir sortir. Je me demande comment il sera reçu.

 

Et sinon, note à mon moi de la semaine dernière qui écrivait qu’il faisait un temps à ranger pulls et manteaux : il fait surtout un temps à attraper la crève chaque fois qu’on sort en jupe. J’ai testé deux fois cette semaine. Vivement le vrai printemps.

 

 

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En attendant Elysian Fields

Dimanche matin, réveil tardif pour cause de lendemain de soirée arrosée et non moins tardive, je viens de casser mon mug à café préféré et je me dis que ça fera un prétexte pour en racheter un voire plusieurs (j’ai des envies de renouveler toute ma vaisselle et tout mon linge de maison ces temps-ci), je suis censée faire un grand ménage de printemps et j’ai la flemme, mais tout baigne : ce soir, je vais voir Elysian Fields. J’ai vu des concerts plus ou moins bons mais ils ne m’ont encore jamais déçue. Cela dit, on me souffle dans l’oreillette que leur concert d’hier à Bruxelles n’était pas top, mais j’attends de voir.

 


 

Douze ans que j’ai découvert Elysian Fields en écoutant l’émission de Bernard Lenoir sur France Inter. Douze ans aussi que j’ai commencé à les voir sur scène – mon tout premier concert, c’était une double affiche Eels/Elysian Fields à l’Aéronef de Lille. Avec PJ Harvey et Calexico, ils font partie des groupes que j’ai vus le plus souvent sur scène (y compris une fois sous le nom de La Mar Enfortuna, leur projet de reprises de musique traditionnelle séfarade). En douze ans, je les ai vus passer du statut de groupe de première partie qui laissait le public indifférent à celui de petit groupe culte qui arrive à remplir la Maroquinerie. Je les ai interviewés une fois pour un webzine, en 1999, dans un hôtel de la rue des Ecoles. Je les ai vus sortir un premier album sublime en 1997 (Bleed your cedar), galérer avec le deuxième resté inédit, sortir deux autres albums nettement plus inégaux puis une merveille absolue en 2005 (Bum raps and love taps). Je ne suis pas convaincue par le dernier, The Afterlife, que je trouve un peu lisse par rapport à la claque qu’avait été le précédent. Mais sur scène, les chansons passeront sans doute autrement. C’est toujours très beau, un concert d’Elysian Fields. Il y a la richesse des arrangements, entre jazz, rock et blues, l’exubérance d’Oren Bloedow à la guitare, le charisme très « femme fatale » de Jennifer Charles et sa voix envoûtante. Vivement ce soir.


 

Dernières nouvelles en vrac : offre de prêt reçue, préavis donné pour mon appart actuel, j’attends toujours confirmation de la date exacte de la signature mais il est probable que je déménage fin avril. Je commence à cogiter sévère sur l’organisation des travaux de peinture, l’achat des premiers meubles et le déménagement. Juste après avoir terminé ma dernière nouvelle qui est en cours de beta lecture, je viens de recevoir les épreuves de la précédente, « Dragon caché », à paraître le mois prochain dans l’antho de Calmann-Levy sur les dragons. Le Salon du Livre approche, j’y serai dimanche matin et mardi soir, sans parler de l’inauguration (vous savez, le truc où on va boire du champagne avec les potes et les collègues sur les stands des uns et des autres ?). Et des fois, faudrait que j’essaie de bosser, aussi.

 

Ah oui, et le premier single de PJ Harvey et John Parish, en écoute ici, est terrible.


 

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Who watches the Watchmen ?

Je ne peux même pas vous dire à quel point je suis soulagée par l’adaptation des Watchmen. Je ne sais pas comment le film sera reçu par les non-lecteurs de la BD, mais en tant que fan, à quelques réserves près, c’est un régal. Je sais que j’ai la larme facile au cinéma, mais j’étais carrément en larmes pendant toute la scène de l’accident qui crée le Dr Manhattan, tellement c’était exactement ça. Jusqu’à l’image de ce « système nerveux sur pattes » qui traverse le laboratoire et qui m’avait pas mal marquée à la lecture. Ben oui, les Watchmen, c’est sacré. J’espérais que le film serait réussi mais je ne m’attendais pas à une telle bouffée d’émotion en le voyant. Dommage que ça se casse un peu la gueule sur la fin.

Pour la peine, je fais un copier/coller du compte-rendu que je viens de rédiger pour le Cargo, en espérant qu’il tienne la route, vu qu’il est écrit à chaud à 2h du mat. Détail que j’ai oublié de préciser : j’ai trouvé les choix musicaux (Bob Dylan, Leonard Cohen, Simon & Garfunkel) assez pertinents par rapport au sens qu’ils prenaient dans le contexte de certaines scènes. 

Le compte-rendu, donc :

 

On l’espérait sans trop y croire, et pourtant : Zach Snyder se tire haut la main de l’adaptation la plus casse-gueule, la plus attendue et la plus redoutée de ces dernières années, celle de ce monument de la BD que sont les Watchmen d’Alan Moore et Dave Gibbons. Un comics réputé inadaptable de par son ampleur et sa complexité. Une de ces œuvres qui laissent leur empreinte sur le genre et marquent durablement le lecteur.

 

 

Si l’intrigue délaisse certains développements et apartés qui faisaient la richesse de l’original, elle est d’une fidélité exemplaire. Le film s’attache à une poignée d’anciens « vengeurs masqués » dont la promulgation de la loi Keene a rendu les activités illégales. Certains se sont rangés, comme le Hibou, quadra binoclard ordinaire, ou Laurie, qui ne jouait à ces jeux dangereux que pour suivre les traces de sa mère Sally Jupiter, elle-même ancienne héroïne masquée. D’autres poursuivent leurs activités clandestinement, comme Rorschach, tueur psychopathe d’une effrayante lucidité. En enquêtant sur la mort de son ancien collègue le Comédien, Rorschach soupçonne l’existence d’un « tueur de masques » qui tenterait d’éliminer les anciens vengeurs masqués. Il comprend bientôt que la vérité est bien plus complexe… et bien plus effroyable.

 

L’histoire importe finalement assez peu ici, bien qu’elle soit passionnante en soi. Ce qui a rendu mythique le comics d’origine, ce sont d’une part le traitement extrêmement réaliste du thème du super-héros, appuyé par des extraits du livre de souvenirs écrit par le premier Hibou, la richesse de la construction et de la mise en scène, mais aussi l’ambiance désespérée que le film reproduit à merveille. Le contexte dans lequel s’enracine cette œuvre, parue dans les années 80, c’est celui du désenchantement, des idéaux perdus, de la mort du rêve américain. L’ombre du Vietnam, de Nixon et de la menace nucléaire y planent constamment. « Qu’est devenu le rêve américain ? » demande le Hibou en toute candeur. « Il s’est réalisé », lui lance le Comédien, cynique. Tout est dans cet échange. Les Minutemen, puis leurs successeurs les Watchmen, ont cru pouvoir changer le monde, et leurs idéaux leur ont explosé en pleine figure. Certains ont baissé les bras, d’autres ont poursuivi le combat avec des méthodes parfois douteuses. Alan Moore ne donne raison à aucun d’entre eux, mais soulève à travers leurs agissements des questions dérangeantes. « Who watches the Watchmen ? » demande un graffiti qui apparaît sur les murs tout au long de la BD, entrevu plusieurs fois dans le film – toute la problématique de l’œuvre est là. Où sont les limites lorsqu’on prétend agir pour une noble cause ?

 

 

Ce qui frappe dès les premières scènes du film, c’est un mimétisme visuel et sensoriel hallucinant. On a l’impression, littéralement, de plonger à l’intérieur des pages. Il transparaît de chaque image un profond respect et un véritable amour de l’œuvre originale. Certains plans paraissent même copiés à l’image près, sans que le résultat soit scolaire pour autant : il y a un souffle, une ambiance, une émotion, même le rythme reproduit celui de la BD. Il y a bien sûr des coupes, mais l’intrigue tient parfaitement la route ainsi, à quelques réserves près (nous y reviendrons). Le film est parsemé de clins d’œil à des éléments qui ont dû être supprimés, comme l’image quasi subliminale de cet adolescent qui lit des BD de pirates près d’un kiosque à journaux. Ou encore la citation furtive du poème de Shelley, Ozymandias. Le problème étant qu’on a parfois l’impression de voir un film fait par des fans pour les fans. Du coup, ceux-ci seront aux anges, mais le spectateur lambda risque d’être parfois perdu, là où le lecteur comblera spontanément les blancs de l’intrigue (l’absence d’explications sur la loi Keene par exemple).

 

 

À une erreur de casting près – Matthew Goode n’a pas la carrure nécessaire pour interpréter Ozymandias – les personnages ont à l’écran toute la présence qu’on pouvait espérer. Jackie Earle Haley est un Rorschach jubilatoire, véritable héros de l’histoire alors qu’il est aussi le plus fou et le plus dangereux. Le Comédien (Jeffrey Dean Morgan) est parfait de cynisme. Le couple formé par Laurie (Malin Akerman) et le Hibou (Patrick Wilson) est touchant par sa banalité même, incarnation de la naïveté la plus extrême ou lueur d’humanité dans un monde en déliquescence, selon le point de vue adopté. Billy Crudup est un Dr Manhattan effrayant et émouvant à la fois, monstre créé par accident, symbole patriotique malgré lui, quasi divinité qui observe une humanité qu’elle comprend de moins en moins. La scène de l’accident, justement, est l’une des plus intenses et des plus poignantes du film – sans qu’on sache vraiment si c’est un prodige de la mise en scène ou si le film joue sur nos souvenirs de lecture.

 

 

Seul gros reproche : une entorse assez conséquente au scénario, vers la fin, qui fait retomber le film comme un soufflé. C’était pourtant l’un des passages les plus attendus. Comme si Zack Snyder, d’un seul coup, hésitait à se colleter avec la scène la plus choquante, la plus spectaculaire, la plus inoubliable de l’original, celle qu’on avait reçue comme un coup de poing dans l’estomac. La solution adoptée tient la route en soi, mais elle perd en impact sur le spectateur – et sur les personnages. La dernière partie, du coup, retombe à plat. Dommage, car c’était quasiment un sans faute jusque là. Sans doute qu’on ne peut plus lire (et adapter) les Watchmen de la même façon depuis le 11 septembre. En l’état, Zack Snyder a déjà réalisé un bel exploit. L’impression d’immersion ressentie dès les premières images, surtout pour le fan de l’œuvre d’origine, fait de ces Watchmen une expérience à part. L’une des plus belles adaptations qu’on ait vues depuis longtemps.

 

 

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De l’écriture, du printemps et des Watchmen

 

Le magnifique acte manqué du week-end : partir deux jours pour un salon (à Bagnols-sur-Cèze en l’occurrence), embarquer son portable en se promettant de travailler sur place… et oublier chez soi la clé USB qui contient la traduction et la nouvelle en cours. Tout n’est pas perdu, j’avais sur mon portable le fichier contenant mes notes en vrac pour la nouvelle (pas la dernière version, mais l’essentiel y était), et j’ai pu réfléchir à quelques points de détail qui me posent problème pour la traduction. Sans rentrer dans les détails, je dois trouver des mots qui se lisent à l’envers comme à l’endroit, notamment pour des titres de chapitre qui se répondent en écho. Pour donner un exemple provenant de la VO : un chapitre s’appelle « Raw », un autre « War ». Et il y en a de beaucoup plus tordus. Ça produit un effet hypnotique assez déroutant quand on commence à lire tous les mots qu’on voit ou entend dans les deux sens. Au bout de quelques minutes, plus moyen d’en sortir. Et je n’ai pas encore tout résolu.

 

Je ne sais pas si c’est lié à mon nouveau portable, mais je n’aurais jamais cru que j’écrirais aussi bien dans le train. Evidemment, en première classe avec une prise pour brancher le portable, c’est tout de suite plus confortable. Mais c’était la première fois que je tentais l’expérience, alors que je traduis régulièrement dans le train. Je suis étonnée de la facilité avec laquelle le texte s’est mis en place. J’en ai écrit un bon tiers dans le train, un autre à l’hôtel, un paragraphe par ci par là, et je l’ai terminé hier en rentrant chez moi, jusqu’à 2h du mat. Il y a eu un de ces moments de grâce que l’écriture réserve parfois : dimanche matin, j’enchaînais les tasses de café derrière ma table de signatures en essayant de me réveiller, j’ai commencé à griffonner des phrases pour un passage que je ne savais pas trop comment aborder… et j’ai noirci trois pages sans m’arrêter, tout s’est mis en place d’un seul coup, c’était magique. Le problème pour ce passage en particulier n’était pas tant de le visualiser que de le ressentir. Et d’un seul coup, ça marche, on se sent pousser des ailes et la scène s’écrit quasiment toute seule – hier soir, je n’ai eu qu’à assembler mes notes dans le bon ordre pour boucler le texte. Je ne sais pas encore ce que vaut l’ensemble, mais je crois que je suis contente de ce que j’ai fait. Il y a six mois que je n’avais pas écrit une ligne, je ne pensais pas que ça reviendrait si facilement. Et ça fait un bien fou.

 

À part ça, salon très sympa, le premier depuis un bail. J’ai retrouvé pas mal de constantes. Le gros méchant coup de barre qui vous tombe dessus en fin de journée, sans commune mesure avec l’effort physique somme toute limité qu’on vient de fournir. Les collègues avec qui on sympathise et qu’on recroisera peut-être plus tard – ou pas. J’ai surtout vendu à des gens qui découvraient mes livres et que les couvertures ou le résumé avaient attirés, mais une rencontre m’a fait plaisir : une dame regarde les livres présents sur la table, s’arrête sur Notre-Dame-aux-Ecailles et fait un commentaire très spontané à sa fille, comme quoi elle l’a lu et beaucoup aimé – et elle comprend juste après que je me trouve juste derrière la table. Du coup, elle a pris Serpentine pour sa fille. Et parmi les moments improbables qu’on vit parfois dans ce genre de salons : au restau, on échange deux trois phrases avec un voisin de table qu’un de ses collègues venait d’appeler « Gérard« , et on percute seulement plus tard que le Gérard en question s’appelle Majax.

 

Dans l’entrée des locaux, je me suis arrêtée plusieurs fois devant une triple pancarte annonçant la sortie de l’adaptation des Watchmen : il y avait Rorschach, le Hibou et Laurie Jupiter. Et je me demandais à chaque fois si je compte ou non aller voir le film, si je l’attends impatiemment ou si j’appréhende le résultat. Des images de la BD me revenaient, des citations aussi, ces poèmes que cite Alan Moore et que j’avais découverts à cette occasion : le tigre de William Blake, l’Ozymandias de Shelley (« My name is Ozymandias, king of kings/Look on my works, ye Mighty, and despair! »). Je précise que j’ai une fascination frustrante pour la poésie de langue anglaise qui me pousse à mémoriser tout un tas de vers sans en connaître le contexte ni forcément en comprendre le sens, le plus obsédant de tous étant ce vers génial de T.S. Eliot découvert par le biais de Stephen King et qui me tourne régulièrement dans la tête depuis : « I’ll show you fear in a handful of dust ». Bref, les Watchmen font partie de ces œuvres qui divisent les gens en deux catégories : ceux qui l’ont lue et ne s’en sont pas remis, ceux qui ne connaissent pas et à qui on tente vaguement d’expliquer l’ampleur et la beauté de la chose. Si je dois aller voir le film, autant que ce soit dès sa sortie, avant de lire ou d’entendre d’autres avis. Je ne sais pas trop à quoi m’attendre, mais je suis intriguée, forcément.

 

Et sinon, le printemps approche, il fait un temps à ranger pulls et manteaux et à ressortir les jupes, à redécouvrir les joies d’un passage matinal à la piscine des Halles avant de commencer la journée de boulot, le nouvel album d’Eleni Mandell est plutôt chouette, le concert d’Elysian Fields a lieu dans une petite semaine, j’ai trouvé les couleurs de ma future déco et ça fait décidément un bien fou de se remettre à l’écriture.

 

 

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