Parlons un peu boulot, histoire de contrebalancer le ton grincheux de l’entrée précédente (j’ai un peu plus la pêche aujourd’hui). Je recommence à me bagarrer avec des frustrations liées à l’écriture, ce qui doit être bon signe : j’espère que ça m’aidera à m’y remettre. D’un côté, il y a cette impression dont j’ai déjà parlé et dont je ne sais pas dans quelle mesure elle colle à la réalité, celle d’avoir publié un recueil (Notre-Dame-aux-Écailles) un peu passé inaperçu, ou en tout cas largement éclipsé par Serpentine. Or, Serpentine date d’il y a cinq ans, je suis passée à autre chose et je ne peux pas m’empêcher de regretter que Notre-Dame-aux-Écailles n’ait pas suscité le même intérêt. Comme je l’ai déjà dit, je n’ai pas l’impression qu’il soit moins bon, il contient quelques textes dont je suis vraiment fière et dont je regrette qu’ils n’aient pas été lus par davantage de monde. Je le trouve plus mûr, plus adulte, plus en adéquation avec la personne que je suis aujourd’hui à 32 ans. J’ai été frappée de constater que dans mon entourage, un certain nombre de personnes qui avaient apprécié mes livres précédents et qui disaient attendre celui-là impatiemment ne l’ont pas lu lorsqu’il est effectivement paru. Ils n’ont sans doute pas eu le temps (je sais ce que c’est), mais la tendance est assez générale pour que ça m’ait frappée. Comme s’il y avait un désir de lecture que Notre-Dame-aux-Écailles n’arrive pas à susciter, alors que Serpentine continue à le faire cinq ans après sa sortie. Je sais que je devrais me réjouir de ce qui arrive autour de Serpentine, mais je retire de tout ça un sentiment d’échec dont je n’arrive pas à me défaire. C’est peut-être simplement que l’effet de surprise est passé, comme on me l’a déjà fait remarquer. Et puis la fois précédente où j’avais publié un livre, j’en avais sorti trois coup sur coup – forcément, ça attire nettement plus l’attention. On ne peut pas avoir la même chance à chaque fois.
Ajoutez à ça ma frustration d’écrire aussi peu. Le fait que mon texte préféré parmi ceux que j’ai écrits l’an dernier, « Le jardin des silences », soit paru dans un support hyper confidentiel n’aide pas vraiment : il faudra attendre un prochain recueil pour qu’il soit lu. Du coup, je ne peux pas m’empêcher d’éprouver une bouffée d’envie face à la productivité de certains de mes camarades. Je ne sais vraiment pas où ils trouvent l’énergie d’écrire autant. Je suis toujours étonnée quand les gens me demandent « Tu travailles sur quoi en ce moment ? » comme s’il était absolument évident que j’aie toujours un projet en cours. Je me demande chaque fois comment on peut s’attendre à ce que quelqu’un ait constamment des idées et des projets dans la tête – mais visiblement, pas mal de collègues y arrivent, c’est juste moi qui fais tache. Je n’ai pas écrit une ligne, ou plus précisément par réussi à mener une idée à terme, depuis l’été dernier. Depuis « Dragon caché » qui paraîtra prochainement dans une anthologie que j’ai hâte de voir sortir. Ce n’est pas l’envie qui me manque, c’est juste l’énergie. Quand les idées ne viennent pas, je ne peux pas les forcer. Il y a des chances que ça revienne au printemps comme tous les ans ou presque, d’autant qu’on m’a commandé une nouvelle à laquelle je suis en train de réfléchir. Mais le thème m’intimide et je me demande comment éviter une redite par rapport à deux nouvelles précédentes qui l’abordaient déjà.
En attendant, après une accalmie de quelques mois, je recommence tranquillement les salons. Je participe à un premier salon à Bagnols-sur-Cèze, près d’Avignon, le week-end du 28 février au 1er mars, et puis il y aura Trolls & Légendes à Mons, en Belgique, le 11 et 12 avril – je garde un excellent souvenir de l’édition précédente. Plus d’autres événements que je confirmerai plus tard. Je compte également passer en touriste aux Imaginales d’Épinal, mais sur une durée sans doute plus réduite que d’habitude (la faute à John Parish et PJ Harvey, voire entrées précédentes).
Pour parler un peu traduction, Bragelonne vient de mettre en ligne un extrait d’un roman à paraître en février et que j’ai traduit : Mémoires d’un maître faussaire de William Heaney. Très chouette bouquin que je vous recommande, où l’argument fantastique est extrêmement ténu et relève quasiment plus de la métaphore, mais l’intérêt n’est pas là, plutôt dans la façon dont les différents intrigues se croisent autour du personnage principal. Vous pouvez en lire le début ici. Je recopie ci-dessous la bio et la présentation de l’éditeur :
William Heaney est un imposteur. Charmant, certes, mais un imposteur quand même. Aux prises avec ses démons et ceux des autres, il passe un peu trop son temps à vider la cave des meilleurs pubs de Londres. À l’occasion il prétendra même qu’il est le nom de plume d’un grand écrivain anglais. Méfiez-vous.
Le livre : William est un faussaire spécialisé dans les livres. Il est doué pour l’écriture mais préfère griffonner incognito des poèmes pour un ami plus séduisant que lui et fabriquer des exemplaires factices de premières éditions de Jane Austen qu’il vend ensuite à des collectionneurs crédules. Il n’est pas si mauvais, au fond. Il reverse l’argent récolté à un foyer pour SDF et ses crimes ne font de mal à personne. Mais si William n’a rien fait d’autre de sa vie, ce n’est pas sans raison. Il a commis quelque chose qui lui fait honte quand il était étudiant, boit beaucoup trop et ne peut s’engager dans une relation amoureuse. Ah oui, et il voit des démons. Des silhouettes éthérées qui rôdent derrière le dos de ceux qui l’entourent, guettant un instant de faiblesse (elles n’épargnent que la gérante du foyer, qu’elles n’osent pas approcher). À moins que William ne voie simplement la souffrance du monde ? Puis une femme extraordinaire, peut-être capable de l’en sauver, entre dans sa vie. William raconte ici sa propre histoire. Mais qui croira un maître faussaire ?